Un article écrit par Céline Marti

Saisie de plus de 1000 oeuvres frauduleusement attribuées à Norval Morrisseau

Justice et faits divers > Fraude

Plus de mille oeuvres ont été saisies à la suite de l'enquête des forces de l'ordre appelée «Project Totton».Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Plus de mille oeuvres ont été saisies à la suite de l'enquête des forces de l'ordre appelée «Project Totton».

Environ 1200 œuvres d’art, faussement attribuées à l’artiste anishinaabe Norval Morrisseau, ont été saisies dans le cas d’une enquête menée conjointement par la Direction des enquêtes criminelles de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) et le Service de police de Thunder Bay (SPTB).

Les forces policières ont aussi procédé à l'arrestation de huit individus impliqués dans des réseaux organisés, accusés de produire et de distribuer des œuvres frauduleusement attribuées à Norval Morrisseau.

Cinq des individus arrêtés mercredi dernier sont des résidents de Thunder Bay, dont Benjamin Paul Morrisseau, neveu de l’artiste défunt.

Ces personnes font face à un total de 40 accusations, parmi lesquelles figurent la production de faux et l’intention de frauder le public.

Les œuvres contrefaites alléguées ont été saisies au sein de collections privées et institutionnelles.

Des faux seraient aussi au sein de collections internationales, selon la police.

Nous croyons qu'il y a un faux au Smithsonian, à Washington.

Jason Rybak, sergent-détective au Service de police de Thunder Bay

Des soupçons de longue date

Le communiqué de presse transmis par la PPO soutient qu’avant la mort de l’artiste en 2007, des allégations avaient commencé à émerger indiquant que des individus créaient et vendaient de l’art sous son nom et dans son style distinctif de la Woodland School of Art.

Cory Dingle, le directeur général de la succession de Norval Morrisseau, affirme que certains réclamaient que cette vérité soit dévoilée depuis 24 ans.

L’enquête confirme que l’activité criminelle alléguée se serait déroulée sur des dizaines d’années. Kevin Veillieux, détective inspecteur à la PPO et Jason Rybak, sergent-détective au SPTB, ont découvert trois groupes frauduleux, menés respectivement par David Voss, dès 1996, Gary Lamont, dès 2002, et Jeffrey Cowan, dès 2008.

Bien qu’indépendants, les trois groupes auraient tout de même échangé leur expertise, avec l’aide de James White et de Paul Bremner, responsables de créer des certificats d’authenticité et d’expertise.

La création de ces certificats et de fausses provenances a largement contribué à faire croire aux acheteurs que les œuvres étaient d’authentiques Morrisseau, explique M. Rybak.

C’est ainsi que certaines œuvres ont été vendues pour des dizaines de milliers de dollars à des membres du public qui n’avaient aucune raison de douter de leur authenticité, selon l’information transmise lors de la conférence de presse.

Certains étaient complètement dévastés d’avoir dépensé de l’argent en pensant faire un bon investissement. Ils étaient évidemment très fâchés, certains blessés et d’autres embarrassés.

Kevin Veillieux, détective inspecteur à la Police provinciale de l'Ontario

Restaurer l’héritage du peintre

Norval Morrisseau ne tenait pas de registre de ses œuvres et c’était un artiste extrêmement prolifique, affirme M. Dingle.

Ce qui a très certainement contribué à faire de lui une victime facile, conclut M. Rybak, avant d’ajouter que Norval Morrisseau vivait dans la pauvreté et peinait à nourrir sa famille.

Parfois, il utilisait ses peintures comme mode de paiement pour le lait et les œufs.

Jason Rybak, sergent-détective au Service de police de Thunder Bay

M. Dingle se réjouit donc des résultats de cette enquête. D'autant que la succession souhaite créer un catalogue raisonné des œuvres de l’artiste.

L’afflux des faux sur le marché de l’art pendant des décennies a fait chuter le prix des œuvres de l’artiste, explique M. Dingle.

Il ajoute que la communauté internationale lui demandait souvent pourquoi le Canada n’agissait pas dans ce dossier et lui demandait : Comment est-ce que votre plus grand artiste, cette icône culturelle et un des plus grands artistes autochtones du monde… comment est-ce que cela a pu durer pendant 24 ans?

Et après 24 ans [...], le dommage à la valeur des œuvres, à l’héritage de son travail fait en sorte qu’il faudra des années avant de mettre tout ça en ordre, se désole-t-il.

Toutefois, M. Dingle concède qu'il s’agit d’un premier pas très positif pour restaurer la réputation du Canada à l’international, oui.

M. Veillieux et M. Rybak affirment que de nombreux faux sont toujours en circulation et invitent les personnes qui voudraient confirmer l’authenticité de leurs œuvres à contacter un avocat ou à se rendre sur le site de la PPO afin d'avoir plus d'informations sur la façon de procéder.

Avec les informations de Kris Ketonen, de CBC