Les opposants à la réforme des retraites en France ont continué samedi à exprimer leur colère avec de nouveaux rassemblements et des blocages grandissants dans les raffineries, deux jours après la décision de l'exécutif de passer en force au Parlement.
La crainte d'une radicalisation de la contestation a conduit les autorités à interdire tout rassemblement sur la place parisienne de la Concorde, proche de l'Assemblée nationale, et du palais présidentiel de l'Élysée, où des heurts ont éclaté jeudi et vendredi soir.
Depuis la décision du gouvernement, jeudi, de faire adopter la réforme sans vote à l'Assemblée nationale, la mobilisation s'est durcie, portée par de jeunes militants peu nombreux mais lassés des manifestations massives qui se succèdent depuis la mi-janvier pour s'opposer au relèvement de 62 à 64 ans de l'âge de départ à la retraite.
Pour justifier l'interdiction de rassemblements samedi à la place de la Concorde, la préfecture a fait état de risques sérieux de troubles à l'ordre et à la sécurité publics
.
Vendredi soir, comme la veille, des milliers de personnes s'étaient retrouvées sur cette très vaste place qui ouvre notamment sur l'avenue des Champs-Élysées.
À la tombée de la nuit, plusieurs centaines de personnes avaient affronté à coups de bouteilles et de feux d'artifice les policiers, qui ont répliqué par des jets de gaz lacrymogène.
La veille, 10 000 manifestants s'y étaient rassemblés, ulcérés par la décision d'Emmanuel Macron d'activer l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote.
Dénonçant un déni de démocratie
, l'intersyndicale a appelé à intensifier la mobilisation alors que le gouvernement fera face lundi à deux motions de censure qui, en cas d'adoption, conduiraient à l'abandon de ce projet sur lequel Emmanuel Macron joue beaucoup de son crédit.
Des rassemblements étaient prévus tout au long du week-end : place d'Italie à Paris, dans la deuxième ville française, Marseille, de même qu'à Brest, à Toulon, à Montpellier... Une nouvelle journée d'action nationale est prévue jeudi.
Syndicat classé à gauche, la Confédération générale du travail (CGT) a marqué les esprits en annonçant samedi que la plus grande raffinerie du pays, située en Normandie et exploitée par TotalEnergies, avait commencé à être mise à l'arrêt.
Un cap a ainsi été franchi. Depuis le début du mouvement, les expéditions de carburant ont été bloquées, mais aucune des sept raffineries françaises n'avait été totalement mise à l'arrêt.
Très lourde techniquement, l'opération prendra plusieurs jours et ne devrait pas provoquer de pénuries de carburant immédiates dans les stations-service du pays, mais elle pourrait faire tache d'huile.
Au moins deux autres raffineries, celle de PetroIneos, à Lavéra, et celle de TotalEnergies, à Gonfreville-l'Orcher, pourraient être mises à l'arrêt au plus tard lundi, a prévenu la CGT.
Le ministre français de l'Industrie et ancien chef des placements de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Roland Lescure, a laissé entendre samedi que le gouvernement pourrait répliquer en procédant à des réquisitions d'agents.
D'autres secteurs clés de l'économie restent par ailleurs perturbés par la mobilisation, notamment dans les transports et dans la collecte de déchets ménagers.
À Paris, environ 10 000 tonnes de déchets sont en attente de collecte sur les trottoirs de la capitale, même si la mairie a constaté samedi une stabilisation
de ce stock.
Le gouvernement a là aussi assuré que des agents seraient réquisitionnés pour commencer à collecter des déchets, qui débordent dans plusieurs quartiers de la ville.
Partout dans les rassemblements, la colère était palpable.
Que vais-je répondre à des jeunes qui me disent "voter, ça sert à rien"? Moi, j'ai élu mon député et il est privé de vote. On est en plein déni démocratique
, a expliqué une manifestante à Besançon, où certains participants ont brûlé leur carte d'électeur.
À Nantes et à Brest, dans l'ouest, où des milliers de personnes ont battu le pavé samedi, les manifestations ont été marquées par des tensions avec les forces de l'ordre.
Le gouvernement a choisi de relever l'âge du départ à la retraite pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.
La France est un des pays européens où l'âge légal de départ est le plus bas, même si les systèmes ne sont pas complètement comparables.