Un article écrit par Pascal Girard

Le refus de GNL Québec a été une décision purement politique, selon ses promoteurs

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La requête des promoteurs de GNL Québec cible le gouvernement du Canada.

La demande d'arbitrage des promoteurs de GNL Québec dans le but d'obtenir une indemnisation de 20 milliards de dollars américains du gouvernement canadien a été rendue publique mardi. L’entreprise Ruby River Capital soutient que le refus par Québec et Ottawa a été purement politique et que le projet a été traité de façon « arbitraire, injuste et discriminatoire ».

De plus, l’entreprise reconnaît pour la première fois que les deux projets, soit le terminal de liquéfaction de gaz naturel qui aurait été construit à Saguenay et le gazoduc de 780 kilomètres, ont été abandonnés officiellement. Ils étaient évalués à 14 milliards de dollars.

À la suite de l’annulation des projets de GNL Québec et Gazoduq, le demandant et Symbio ont essayé de résoudre la question à l’amiable par des discussions directes avec les gouvernements du Québec et fédéral, mais en vain, est-il écrit. Symbio est l’entreprise intermédiaire entre Ruby River Capital et les deux projets.

À la suite de l'échec de ce processus, la demande d’arbitrage a été déposée le 17 février au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), lié à la Banque mondiale. La nouvelle a été rapportée par Radio-Canada le 10 mars.

Dans le document, l'entreprise estime que le gouvernement du Québec a changé les règles du jeu en cours de route pour prendre une décision purement politique en refusant d'approuver le projet.

La réclamation de Ruby River découle du traitement arbitraire, injuste et discriminatoire de Symbio par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada, a fait savoir dans une déclaration écrite un porte-parole de l'entreprise.

Les promoteurs de GNL Québec ajoutent que le gouvernement canadien n'a pas voulu contredire Québec en disant non également. Ruby River Capital vise dans sa demande le gouvernement canadien, qu’il estime responsable aussi, selon les lois internationales des actions du gouvernement du Québec.

La demande d'arbitrage a été jugée discutable par des experts interrogés par Radio-Canada. De plus, un chercheur avançait que le CIRDI est une institution critiquée.

Perte de profits anticipés

Le montant de 20 milliards de dollars américains, qui est réclamé, équivaut à la perte de profits anticipés sur 25 ans. Il s'agirait d'une estimation jugée prudente relativement à la hausse des coûts de l'énergie, causée notamment par la guerre en Ukraine.

GNL Québec dit avoir dépensé 165 millions de dollars canadiens de 2014 à 2021. Le projet a compté jusqu’à 55 employés, allant même jusqu’à 100 en tenant compte des différents consultants sous contrat.

Processus environnemental

Dans le document du 17 février, l'entreprise dit avoir participé de bonne foi avec le ministère de l'Environnement au Québec tout au long du processus d'évaluation environnementale et dit avoir répondu à toutes les demandes au fil du temps.

GNL Québec soutient aussi qu'elle bénéficiait de l’appui des politiciens à Québec. Un article de janvier 2020 de Radio-Canada est même cité pour montrer que le premier ministre du Québec, François Legault, appuyait ouvertement le projet. Après la rencontre avec un des deux promoteurs, Jim Illich, le premier ministre avait écrit, dans un message sur Twitter, que le projet réduisait les GES de 28 millions [de tonnes] en remplaçant des centrales au charbon.

Le BAPE biaisé

C'est à partir de l’évaluation environnementale du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) que le tout se serait gâté.

Ruby River Capital considère les audiences et le rapport du BAPE comme ayant été étant biaisés. L'organisme d'évaluation avait jugé que le projet de GNL Québec avait estimé que la somme des risques afférents au projet dépasse celle de ses avantages.

Mais c'est surtout la déclaration faite le jour du dépôt du rapport par le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, qui a posé problème.

On a posé trois conditions très claires : trouver l'acceptabilité sociale, favoriser la transition énergétique et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’enquête du BAPE n’a pas réussi à confirmer que ces trois conditions là sont respectées. La balle est donc dans le camp du promoteur, avait fait savoir le ministre.

Ruby River Capital avance que ces critères ont été inventés un peu n’importe comment, à la dernière minute, spécifiquement pour nuire à l’approbation du projet.

Selon l'entreprise, le refus éventuel en juillet 2021 est purement politique, pas basé sur des éléments environnementaux et motivé par l'élection à venir. GNL Québec a toujours prétendu que son projet viendrait réduire le bilan environnemental mondial.

Elle dénonce aussi une politique zéro bruit additionnel qui leur aurait été imposée pour ne pas nuire à la population de bélugas dans le Saguenay.

Selon l'entreprise, une annonce de 66 millions de dollars de Québec et d'Ottawa en août 2021 pour un convoyeur peu après au port de Saguenay prouve que les conditions qu’elle devait respecter avaient été établies uniquement pour nuire à GNL Québec.

François Legault visé

Après le refus, GNL Québec dit avoir poursuivi les discussions avec Québec. Les promoteurs soutiennent que plusieurs personnes haut placées à Québec et Ottawa leur ont confirmé que le refus avait été politique.

Ils vont même jusqu'à affirmer que François Legault aurait dit à un chef d'État européen en août 2022 qu'il pourrait autoriser le projet si Ottawa faisait de même, mais seulement après les élections provinciales d’octobre 2022.

Rappelons en terminant que la demande d'arbitrage se base sur les accords de libre-échange et a été mise de l’avant, car elle a bloqué un investissement étranger en provenance des États-Unis.