Un article écrit par Olivier Bourque

Du gaz naturel fossile pour fabriquer des batteries vertes

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Le gouvernement mise énormément sur la Silicon Valley de la batterie à Bécancour.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Le gouvernement mise énormément sur la Silicon Valley de la batterie à Bécancour.

Le distributeur de gaz naturel Énergir a l’intention de s’établir dans le parc industriel de Bécancour, qui va accueillir les grands fabricants de composants de batteries.

La Vallée de la transition énergétique ne sera pas alimentée à 100 % par de l’électricité. Certaines batteries vertes nécessiteront du gaz naturel d’origine fossile, et le distributeur Énergir, anciennement Gaz Métro, a l’intention d’y installer son réseau et n’a toujours pas de client qui opterait pour le gaz renouvelable.

Il y a quelques jours, le gouvernement caquiste a annoncé l’aménagement de cette troisième zone d’innovation située entre Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan, là où Québec veut accélérer le développement de la filière batterie et l’électrification des transports.

Malgré l’intention de Québec de décarboner ce secteur, les grandes usines pourraient s’alimenter avec du gaz naturel d’origine fossile.

En effet, le distributeur de gaz naturel Énergir a l’intention de s’y établir. Le 4 avril dernier, cette entreprise a déposé une demande d’autorisation à la Régie de l’énergie pour réaliser un projet d’expansion de son réseau afin d'alimenter le parc industriel de Bécancour.

Le projet à l’étude comprend l’installation d’environ 10,2 kilomètres de conduites. Il vise à alimenter les secteurs qui ne le sont pas à l'heure actuelle dans le parc industriel, qui va accueillir les grands fabricants de composants de batteries.

Il ne faut pas perdre de vue qu’Énergir répond à une demande de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour de fournir [de l']énergie aux entreprises qui iront s’[y] installer, a souligné le porte-parole d’Énergir, Lambert Gosselin, dans un courriel envoyé à Radio-Canada.

Pas d’obligation d'utiliser du gaz renouvelable

Surtout, Énergir n’a pas l’intention d’obliger les futurs clients industriels à consommer du gaz naturel renouvelable (GNR), comme ce sera le cas avec les futurs raccordements dans le secteur résidentiel et d’affaires.

Énergir dit vouloir faire la promotion du GNR auprès des industriels, mais le prix demeure trois fois plus élevé que celui du gaz traditionnel, ce qui risque de rebuter les grands fabricants.

Si le surcoût du GNR pouvait être subventionné ou compensé d’une certaine manière, cela permettrait de le rendre encore plus accessible et d’accélérer la décarbonation de plusieurs entreprises.

Lambert Gosselin, porte-parole d’Énergir

Actuellement, Énergir n’a conclu aucun contrat avec de nouveaux clients sur les terrains qui seront alimentés.

Cela étant dit, des discussions avec des clients potentiels sont en cours, selon les documents déposés à la Régie de l’énergie.

Québec appuie Énergir

Une chose est sûre, le gouvernement caquiste est d'accord avec l’implantation d’Énergir dans la Vallée de la transition énergétique.

Le 6 avril dernier, la sous-ministre adjointe à l’Énergie du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie a déposé une lettre d'appui au projet d’Énergir.

Questionné par Radio-Canada, le cabinet du ministre Pierre Fitzgibbon dit estimer que le gaz naturel est implanté dans la majorité des parcs industriels au Québec et que certains procédés ne peuvent pas être alimentés par de l’électricité.

Certains projets à Bécancour nécessitent d’autres sources énergétiques que de l’électricité pour des procédés industriels ou pour du chauffage et non pour la production d'électricité. La biénergie demeure une stratégie importante dans l'arsenal de la transition énergétique, a souligné le porte-parole du ministre, Mathieu St-Amand.

Cependant, le gouvernement affirme que les projets, comme celui de l’usine de General Motors financée par Québec et Ottawa, seront majoritairement alimentés à l’hydroélectricité. Nos batteries seront parmi les plus vertes au monde, a assuré M. St-Amand en entrevue à Radio-Canada.

Le gouvernement ne respecte pas son propre plan

Toutefois, l’implantation d’Énergir est dénoncée par le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE), qui demande à la Régie de l’énergie de faire preuve de prudence dans l’appréciation du rôle du gaz naturel dans ce nouveau projet industriel.

Je trouve cela triste que le gouvernement ne soit même pas capable de respecter son propre plan pour une économie verte, croit Jean-Pierre Finet, analyste en régulation économique de l'énergie au ROEE.

Dans ses documents déposés, le ROEE rappelle que, dans son plan, le gouvernement a affirmé que les nouveaux projets industriels sont pour le Québec une occasion à saisir afin de construire et d’établir des installations compétitives et vertes.

Ils disent quelque chose et ils font le contraire. C’est scandaleux. Moi, je ne fais plus confiance à ce gouvernement-là sur la décarbonation.

Jean-Pierre Finet, analyste en régulation économique de l'énergie au ROEE

M. Finet croit que l’utilité du gaz naturel n’a pas été démontrée dans la Vallée de la transition énergétique.

Et s’il y a des usages qui sont plus difficilement électrifiables, il faudrait réserver du gaz naturel renouvelable, explique M. Finet.

Avec ce projet, Énergir croit pouvoir distribuer à terme quelque 30 millions de mètres cubes de gaz naturel, ce qui représenterait l’ajout de plus de 50 000 tonnes de CO2 annuellement au bilan carbone de la province, selon les calculs du ROEE.

Ce projet, tel que soumis, représente un risque environnemental qui contribuera à verrouiller le gaz naturel dans l’économie québécoise et ainsi à éloigner le Québec de l’atteinte de ses cibles de réduction [des émissions] de GES en 2030 et de décarbonation en 2050, estime le groupe.

Au cours des derniers jours, Énergir a dû défendre son offre de gaz naturel renouvelable à ses clients, jugée trompeuse par des groupes environnementaux et de défense des consommateurs.