Un article écrit par Noémie Moukanda

« Le Downtown Eastside n’est pas le visage de la crise des surdoses »

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Des ambulanciers tentent de réanimer une personne victime d'une surdose dans le quartier du Downtown Eastside à Vancouver, en mai 2020. Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Des ambulanciers tentent de réanimer une personne victime d'une surdose dans le quartier du Downtown Eastside à Vancouver, en mai 2020.

La coroner en chef de la Colombie-Britannique, Lisa Lapointe, a dépeint un portrait alarmant de la crise des surdoses qui a fait plus de 12 000 victimes dans la province depuis 2016, lors d'une conférence de presse à Victoria lundi. Et elle insiste : la crise sévit bien au delà du quartier Downtown Eastside de Vancouver.

Accompagnée de la médecin hygiéniste en chef, de la représentante des enfants et de la jeunesse ainsi que des autorités sanitaires des Premières Nations, Lisa Lapointe a pointé du doigt le fentanyl dans cette crise sanitaire qui est entrée dans sa huitième année.

La crise de la toxicité des drogues en Colombie-Britannique est une crise du fentanyl illicite.

Lisa Lapointe, coroner en chef de la Colombie-Britannique

En 2016, cet opioïde 40 à 50 fois plus puissant que l’héroïne était impliqué dans 67 % de décès dus à des drogues illicites. Au fur et à mesure que la province s’enlise dans l’état d’urgence sanitaire, cet opiacé synthétique gagne du terrain en s'immisçant dans 80 % de surdoses mortelles. Mais il n’est pas le seul et la crise devient petit à petit celle des benzodiazépines.

Qui est le visage de cette crise?

Selon le Service des coroners de la Colombie-Britannique, une mort qui survient à la suite d’une surdose implique plusieurs substances toxiques et aucun Britanno-Colombien n’est à l’abri d’y succomber.

Lisa Lapointe déplore l'idée répandue selon laquelle le Downtown Eastside serait le visage de la crise des opioïdes. Selon la coroner en chef, moins de 14 % des décès liés aux drogues illicites recensés à travers la province concernent ce quartier défavorisé de Vancouver. 86 % des surdoses mortelles surviennent dans les autres communautés, urbaines et rurales, dit Mme Lapointe.

Depuis que Victoria a déclaré l’état d’urgence sanitaire en 2016, 12 433 personnes sont décédées d’une surdose : 9835 hommes et 2595 femmes. Parmi les victimes, 163 étaient âgées de moins de 19 ans.

Selon Kelsey Louie, le médecin hygiéniste adjoint de la régie de la santé des Premières Nations, les Autochtones sont surreprésentés dans cette crise qui a changé de visage et de nature depuis 2016.

Il est temps d’adopter une approche de gestion des risques qui repousse les limites de nos systèmes. C’est maintenant notre occasion de faire les choses différemment.

Kelsey Louie, médecin hygiéniste adjoint de la régie de la santé des Premières Nations

La plupart des victimes meurent entre quatre murs, souvent dans leur résidence, selon le Service des coroners. Lisa Lapointe considère qu'il est important de continuer à collecter des données sur cette crise, qui est la première cause de décès en Colombie-Britannique.

Comment sortir de cette crise?

Avec le nombre de victimes qui reste élevé, les voix s’élèvent pour réclamer un approvisionnement de drogues sûres. La Colombie-Britannique a obtenu la décriminalisation de possession de petites quantités de drogues. La médecin hygiéniste en chef, la Dre Bonnie Henry, estime que cette dépénalisation n’est qu’une manière de faire tomber la stigmatisation qui entoure la toxicomanie.

Elle rappelle qu’il ne s’agit pas de légalisation et que cette mesure ne promeut pas l’usage de drogues. Il est nécessaire, selon la Dre Henry, de surveiller avec attention les risques et les bénéfices de cette décriminalisation.

Par ailleurs, elle croit qu’il faut donner accès au traitement et à la réhabilitation. Nous devons continuer à renforcer l'accès aux services de prévention de consommation sécuritaire, ajoute la médecin hygiéniste en chef.

Parallèlement, la province doit améliorer le système de vérification des drogues et d’autres outils de réduction des méfaits, sans compter la prévention qui doit être menée auprès des jeunes, qui sont de plus en plus touchés par les surdoses.

La Dre Henry affirme que ces mesures n'entrent pas en compétition avec le traitement ou l’abstinence. En outre, comme l’ont souligné plusieurs dans le passé, elle reconnaît que le logement et la pauvreté sont des moteurs majeurs de cette crise.

Plaidoyer pour l’approche provinciale

Face aux critiques grandissantes concernant leur approche pour sortir de la crise des surdoses, les autorités ont formé un front uni, lundi, lors de leur conférence de presse. Jennifer Charlesworth s’est lancée dans un plaidoyer pour dénoncer ces critiques.

La représentante à l’enfance de la Colombie-Britannique assure que les autorités ne possèdent aucune information sur le fait que des drogues prescrites dans le cadre de son projet pilote sur l'approvisionnement sécuritaire auraient été détournées ou que des mineurs les auraient consommées.