Un article écrit par Maud Cucchi

David Johnston : « C’est la première fois qu’on remet en question mon intégrité »

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Le rapporteur spécial David Johnston, devant le Comité de la procédure et des affaires de la ChambreCliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Le rapporteur spécial David Johnston, devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre

Le rapporteur spécial indépendant sur l'ingérence étrangère et ex-gouverneur général a affronté les questions serrées des députés pendant plus de trois heures, en comité parlementaire.

Attaqué sur sa légitimité comme rapporteur sur l'ingérence étrangère, David Johnston s'est efforcé mardi de recentrer les échanges sur les dangers et l'urgence de la situation qu'il a étudiée dans un premier rapport déposé fin mai.

Outre ses liens intimes avec la famille Trudeau, rappelés par différents députés de l'opposition qui lui ont reproché de ne pas reconnaître une apparence de conflit d'intérêts incompatible avec sa mission, c'est le recours à l'avocate Sheila Block, donatrice du Parti libéral, qui a alimenté la méfiance de plusieurs élus à son égard.

Je ne vois pas le fait que Mme Block fait des contributions aux partis politiques comme apparence de conflit d'intérêts, a répété pour sa défense l'ancien gouverneur général du Canada, après avoir confirmé avoir eu recours aux services de l'avocate pour rédiger le rapport.

Étiez-vous au courant des dons?, lui a demandé le député du Bloc québécois, Alain Therrien. Je ne me serais pas posé la question, sa réputation d'intégrité est impeccable et continue de l’être, a rétorqué David Johnston en indiquant avoir travaillé avec elle dès 2007-2008, sous Stephen Harper.

C’est la première fois qu’on remet en question mon intégrité, j’aimerais qu’on regarde mon bilan de service [...]

David Johnston, rapporteur spécial indépendant sur l'ingérence étrangère

Deux mois après sa nomination par Justin Trudeau, le rapporteur spécial indépendant s'échine encore à prouver sa probité et son intégrité malgré les appels en faveur de sa démission. La Chambre des communes a même adopté une motion du Nouveau Parti démocratique (NPD), avec l'appui des députés conservateurs et bloquistes, qui exhortait M. Johnston à se retirer et demandait au gouvernement de déclencher une enquête publique.

Sécurité d'État

Le rapporteur spécial a réaffirmé son opposition à toute enquête publique sur l'ingérence étrangère, car il estime que quand on traite d’information classifiée, la tenue de commission est difficile.

Ce type de commission est très coûteux, prend beaucoup de temps et ne jette pas de lumière sur le problème, a ajouté M. Johnston devant les députés. En outre, une commission d'enquête ne servirait pas le processus pour bâtir la confiance [des citoyens], a-t-il affirmé devant une opposition dubitative.

Jagmeet Singh, chef du NPD, a remis en question le recours à des audiences publiques, plutôt qu'à une enquête publique, lesquelles ne garantiraient pas la sécurité des témoins issus d'une diaspora ciblée par des menaces du pays d'origine. David Johnston a toutefois évoqué la possibilité de tenir des huis clos lors des séances publiques prévues pour la suite de son mandat.

Également présent lors du comité, le député conservateur Michael Chong, qui aurait été visé par une tentative d'intimidation après avoir parrainé en 2021 une motion aux Communes condamnant la conduite de Pékin envers les Ouïgours, a dénoncé à son tour l'approche du gouvernement Trudeau dans sa tentative de restaurer la confiance des citoyens envers la démocratie, alors que le Parlement a les mains liées par le gouvernement.

La majorité des personnes élues ont voté trois fois pour une commission d’enquête indépendante, et vous seul avez fait une recommandation inverse, a-t-il souligné.

Comment vous et le gouvernement restaurez la confiance en la démocratie quand le gouvernement continue de défier le souhait de notre seule institution nationale?

Michael Chong, député conservateur de Wellington–Halton Hills

Des députés ont mentionné l'affaire Maher Arar pour illustrer la possibilité de tenir une enquête publique même si des informations sensibles ayant trait à la sécurité nationale sont en jeu.

Quand des renseignements entrent dans le domaine des preuves, ce sont des questions que nous voulons creuser, a reconnu M. Johnston. Avons-nous le bon équilibre entre ce que nous voulons garder secret ou rendre public?

Dans sa réponse, l'ancien gouverneur général du Canada a également souligné l'importance de respecter nos alliés.

Aucune rencontre avec les responsables électoraux

Si plusieurs députés, souvent conservateurs, ont réitéré leur appel à la démission de M. Johnston, les questions visaient aussi à éclaircir certains angles morts du rapport.

L'audience a révélé que M. Johnston n'avait pas rencontré Stéphane Perrault, directeur général des élections du Canada, ni Caroline J. Simard, commissaire aux élections fédérales, pour établir ce rapport qui portait pourtant sur l'ingérence étrangère pendant les élections fédérales de 2019 et de 2021.

Il n’y avait aucune plainte déposée […], raison pour laquelle nous ne les avons pas rencontrés, a allégué M. Johnston en comité. Les enquêtes en cours sur l'ingérence menée par la commissaire aux élections n'ont pas encore donné de résultats, a-t-il ajouté, en promettant néanmoins de la rencontrer au cours des prochains mois.

Ce qu’il propose, c’est qu’on n’oblige pas, mais qu'on invite [à témoigner], c'est un travail plus rapide mais bâclé, il n'a pas rencontré Mme Simard ni le chef des élections!

Alain Therrien, député bloquiste de La Prairie

Le rapporteur spécial a aussi confirmé avoir engagé le cabinet Navigator, expert en communication de crise, mais aussi avoir sollicité des conseils non rémunérés de Don Guy, ancien chef de cabinet de l'ancien premier ministre de l'Ontario Dalton McGuinty (entre 2003 et 2006), et de Brian Topp, ancien chef de cabinet de Rachel Notley lorsqu'elle était première ministre de l'Alberta.