Un article écrit par Zacharie Routhier

Chaos et mémoires : plongée numérique dans un monde en mutation au Centre PHI

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L'expérience immersive «FRAMERATE : Pulse of the Earth (le pouls de la terre)» est présentée à l'occasion de l'exposition «Chaos et mémoires» du Centre PHI, à Montréal.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
L'expérience immersive «FRAMERATE : Pulse of the Earth (le pouls de la terre)» est présentée à l'occasion de l'exposition «Chaos et mémoires» du Centre PHI, à Montréal.

Avec l’exposition Chaos et mémoires, présentée à compter de mercredi, le Centre PHI invite le public montréalais à découvrir FRAMERATE : Pulse of the Earth (le pouls de la terre), une fable environnementaliste qui dépeint des paysages naturels et industriels en plein changement. Quatre œuvres taïwanaises de réalité virtuelle sont aussi en vitrine.

Pour réaliser FRAMERATE : Pulse of the Earth (le pouls de la terre), une expérience immersive d'une vingtaine de minutes, l'artiste britannique Matt Shaw et son collectif, ScanLAB, ont numérisé différents lieux en Grande-Bretagne sur de longues périodes. Les données récoltées leur ont permis de reconstituer d’impressionnantes séquences en trois dimensions de sites miniers, de jardins, de berges ou encore de constructions immobilières.

En résulte un monde granulaire, à la fois ultraprécis et surréaliste, qui témoigne tantôt de la rapidité affolante à laquelle se développent nos sociétés, tantôt de l’élégance des environnements naturels anglais.

Les paysages changent en réaction aux immenses forces de la nature, mais ces changements sont aussi causés par l’espèce humaine, a expliqué Matt Shaw à l’occasion d’une visite de presse au Centre PHI mardi.

Vous allez voir la destruction, l’extraction, l’habitation, la récolte, la croissance et l’érosion. Nous souhaitons montrer les miracles de l’évolution du monde naturel, mais aussi les choses incroyables, fantastiques, ridicules et terrifiantes que nous provoquons en tant qu’espèce.

L'œuvre immersive permet au public d’observer l’univers tissé par ScanLAB sous différents angles. Les séquences, qui diffèrent les unes des autres, sont présentées sur huit écrans installés un peu partout dans une petite salle sombre et évoluent au rythme d'une bande-son. Il est possible d’arpenter la pièce à sa guise.

FRAMERATE : Pulse of the Earth (le pouls de la terre) a d’abord été montrée au Festival international du film de Venise. Elle est présentée au Centre PHI, à Montréal, en première canadienne.

De science et d’art

Pour réaliser son œuvre, Matt Shaw et son équipe ont dû faire preuve d’une ténacité remarquable. Pour chacun des environnements choisis, le groupe a dû effectuer des numérisations chaque jour pendant un an, et ce, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse soleil.

L’architecte de formation estime avoir effectué ce chemin de croix environ 5000 fois. Au terme du projet, il s’est retrouvé avec une quantité phénoménale de données, soit l’équivalent d’un demi-trillion de pixels.

La précision de sa démarche est telle que la création artistique s’est retrouvée incluse dans un article scientifique sur l’érosion des berges irlandaises, qui est en cours de révision pour la revue Nature. Les modélisations de ScanLAB ont permis aux spécialistes de visualiser un phénomène observé au fil de leurs recherches.

Le studio estime par ailleurs que la numérisation 3D est l’avenir de l’image, soutenant que les véhicules autonomes et les téléphones intelligents cartographient déjà notre monde en trois dimensions.

De la même manière que les enfants d’aujourd’hui tentent de toucher les télévisions, ne comprenant pas qu’il ne s’agit pas d’un écran tactile, je crois fermement que les enfants de demain regarderont nos photos sans comprendre qu’elles ne sont pas immersives.

Nous tentons de voir le monde de la même manière que les machines le voient. Nous rendons les données jolies et digestes, puis nous les partageons avec vous. Nous tissons des histoires avec les données.

Matt Shaw

L’exposition Chaos et mémoire regroupe aussi quatre œuvres taïwanaises de réalité virtuelle, dont All That Remains, de Craig Quintero, une méditation anxiogène sur la frontière entre le rêve et la réalité.

Le public peut aussi découvrir Red Tail, de Fish Wang, The Man Who Couldn’t Leave, de Chen Singing, et Missing Pictures (Épisode 2), de Clément Deneux, jusqu’au 11 juin.