Un article écrit par Radio-Canada

Trois ans de COVID-19 : sommes-nous prêts pour « la prochaine fois »?

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Trois ans après le début de la pandémie de COVID-19, l'heure est aux bilans.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Trois ans après le début de la pandémie de COVID-19, l'heure est aux bilans.

Trois ans après le début de la pandémie de COVID-19, certaines leçons sont de plus en plus claires aux yeux des experts de la santé publique. Pour les médecins Karl Weiss et Joanne Liu, la nécessité d’établir dès maintenant des mécanismes de réponse intégrés à l'échelle nationale ainsi qu'un comité de gouvernance à l'échelle internationale est primordiale.

En entrevue à l’émission Les faits d’abord, l’urgentiste Joanne Liu a reconnu avoir été profondément marquée par la pandémie de COVID-19. Pourtant, elle avait déjà été amenée à affronter des crises infectieuses dans des pays et des régions plus pauvres alors qu’elle était à la tête de Médecins sans frontières. Elle a d’ailleurs dirigé une mission en Afrique de l’Ouest avec cet organisme de 2014 à 2016 pour faire face à l’épidémie d’Ebola.

Toutefois, la force avec laquelle la pandémie de COVID-19 a frappé le monde entier a surpris la Dre Liu.

Je ne croyais pas, honnêtement, qu’au Canada, un pays du G7, ce serait aussi difficile que ça l’a été. Les décès dans les résidences pour personnes âgées, notamment, resteront une tache dans notre histoire. Ce que je retiens de tout ça, c’est que ce n’est pas parce qu’on est riche qu’on fait beaucoup mieux.

Le Canada, comme plusieurs autres pays, était mal préparé à faire face à un tel virus.

Il n’y a pas de doute qu’on n’était pas suffisamment préparés, affirme Joanne Liu. Maintenant, en se projetant dans l’avenir, comment se prépare-t-on pour la prochaine fois?

Je crois qu’il y aura une prochaine fois. On ne sait pas quand ça va arriver. On doit réfléchir collectivement pour s’assurer d’être plus forts et plus résilients.

Joanne Liu, urgentiste

Pour le Dr Karl Weiss, microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses à l'Hôpital général juif de Montréal, les préparatifs vont bien au-delà de la sphère de la santé publique.

Au début, on prévoyait une pandémie d'influenza, et finalement, ce qui est arrivé, c’est une pandémie de COVID-19, ce qui est totalement inhabituel. Ça démontre que la préparation, c’est beaucoup plus que la santé publique. C’est une préparation sociétale, qui s’étend aux niveaux logistique et organisationnel et aussi au niveau des industries, a indiqué le Dr Weiss, lui aussi en entrevue à l'émission Les faits d'abord.

Ça prend une préparation à l’échelle de l’État, qui comprend beaucoup de composantes, dont la mobilisation. Rappelez-vous au début : on n’avait même pas assez de personnes pour aller nourrir les personnes âgées dans les CHSLD.

Certains pays ont réagi beaucoup mieux que d’autres et il y a des leçons à tirer de tout ça, a expliqué le Dr Weiss.

Davantage de solidarité

Outre l’effort remarquable déployé à l'échelle internationale pour identifier le virus, pour mettre au point un vaccin et pour élaborer des traitements contre la COVID-19, l’inégalité dans la distribution des outils destinés à combattre la maladie a été flagrante à l’échelle mondiale.

Honnêtement, quand on est en temps de crise et que les ressources sont limitées, c’est chacun pour soi. C’est chacun pour les intérêts [intérieurs] du pays. C’est pour ça qu'il faut s’entendre en temps de paix, en creux de vague de crise infectieuse, pour pouvoir négocier de façon plus humaine, a fait remarquer Joanne Liu, qui siège au comité indépendant de l’Organisation mondiale de la santé sur les réponses à la pandémie.

Ce comité a pour objectif de jeter les bases d’un système de gouvernance internationale qui permettra une meilleure collaboration et une distribution plus équitable des ressources lors de crises sanitaires.

Au moment des crises, on voit le meilleur et le pire de l’homme. J'espère qu’on pourra faire un traité pandémique à l’[Organisation mondiale de la santé] et établir une gouvernance mondiale pour être plus solidaires quand arrive ce genre d'événement.

Joanne Liu, urgentiste

Les discussions du comité portent sur le partage des ressources, notamment les vaccins et les traitements contre les virus émergents.

Il faut voir comment on peut s’assurer que tout le monde y ait accès, que ce ne soit pas seulement une partie de la planète qui soit protégée et qui puisse être traitée. Ça, ce n’est pas possible [présentement], et il faut que ça change, a poursuivi la Dre Liu.

Une réponse à une pandémie, ce n’est pas une réponse technique de santé publique mais une réponse transgouvernementale. Il ne faut pas que ce soit négocié seulement au niveau technique médical. Il faut aussi que ce soit négocié au niveau politique, aux Nations unies.

Informations cruciales

Ce nouvel organe de gouvernance mondiale en cas de pandémie contribuerait également à un meilleur partage des informations et à plus de transparence concernant les virus et leurs origines. Actuellement, l’OMS cherche toujours à connaître celle du coronavirus.

Pour le moment, on ne sait pas. On n’a pas de preuve scientifique pour nous donner cette explication. Tant qu’on n'a pas d’explication basée sur la science, toutes les hypothèses sont sur la table et il faut les suivre, a dit Tarik Jasarevic, un porte-parole de l'OMS, en entrevue avec Alain Gravel.

Pour l’OMS, connaître l’origine du virus est absolument primordial.

C’est important de comprendre la source de chaque épidémie ou pandémie non seulement pour des raisons scientifiques mais aussi pour des raisons morales, a poursuivi M. Jasarevic.

D'un point de vue scientifique, savoir comment le virus est arrivé dans la population humaine peut aider à ce que ça ne se répète pas. Ça peut aussi nous informer sur la façon dont le virus circule. Mais il y a aussi une raison morale. Plus de 15 millions de personnes sont mortes de la COVID-19. On a le devoir de dire aux gens comment on en est arrivés là.