Un article écrit par Radio-Canada

Des chiens viverrins vendus à Wuhan seraient à l’origine de la pandémie de COVID-19

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Un chien viverrin dans une cage au marché d’animaux sauvages de Xin Yuan, dans la ville de Guangzhou, dans le sud de la Chine. (Photo d'archives)Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Un chien viverrin dans une cage au marché d’animaux sauvages de Xin Yuan, dans la ville de Guangzhou, dans le sud de la Chine. (Photo d'archives)

Une nouvelle analyse génétique d’échantillons recueillis sur les surfaces du marché de Huanan, à Wuhan en Chine, tend à corroborer la théorie selon laquelle des chiens viverrins vendus illégalement sur place seraient à l’origine de la pandémie, et non une fuite d’un laboratoire.

Ces données n'apportent pas de réponse définitive sur l’endroit où la pandémie a commencé, mais chaque élément d'information est important pour nous rapprocher de cette réponse, a déclaré le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d'une conférence de presse tenue vendredi.

Des données inconnues

Lors de travaux qui restent à être publiés dans une revue à comité de lecture, une étape qui permet de vérifier la valeur d'une étude, des scientifiques ont analysé des données génétiques précédemment inaccessibles provenant d'échantillons collectés au marché proche de l'endroit où les premiers cas humains de COVID-19 ont été répertoriés.

L’OMS a critiqué la Chine pour ne pas avoir partagé les informations génétiques plus tôt, ajoutant que ces données auraient pu et dû être partagées il y a trois ans.

Tedros Adhanom Ghebreyesus a signalé que les séquences génétiques ont été téléchargées sur la plus grande base de données publique de virus du monde à la fin du mois de janvier par des scientifiques du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. Ces informations cruciales ont depuis été retirées de la base de données.

Un biologiste français a repéré les informations par hasard en parcourant la base de données et les a partagées avec un groupe de scientifiques qui est basé hors de la Chine et qui étudie les origines du coronavirus. La virologue canadienne Angela Rasmussen, de la Vaccine and Infectious Disease Organization (VIDO) de l'Université de la Saskatchewan, a participé à ces travaux.

L’Associated Press (AP) signale que les données de séquençage génétique montrent que certains des échantillons, connus pour être positifs au coronavirus, contenaient également du matériel génétique de chiens viverrins, ce qui indique que ces animaux ont pu être infectés par le virus, selon les scientifiques.

Il y a de forts risques que les animaux qui ont déposé cet ADN aient également déposé le virus, a dit Stephen Goldstein, virologue à l'Université de l'Utah, qui a participé à l'analyse des données.

Si l'on procédait à un échantillonnage environnemental à la suite d'une zoonose, c'est exactement ce que l'on s'attendrait à trouver.

Stephen Goldstein, Université de l'Utah

Pour Ray Yip, épidémiologiste et membre fondateur du bureau des Centres américains de contrôle des maladies en Chine, qui n’a pas participé à ces travaux, ces nouveaux résultats ne sont peut-être pas définitifs, mais ils sont significatifs.

Les données de l'échantillonnage de l'environnement du marché publiées par le CDC de Chine constituent de loin la preuve la plus solide appuyant l'origine animale.

Ray Yip, Centres américains de contrôle des maladies en Chine

Les scientifiques tentent de trouver l’origine de la pandémie de COVID-19 depuis son apparition, mais cette recherche a été compliquée par des facteurs tels que l'augmentation massive des infections humaines au cours des deux premières années de la pandémie et une réalité politique opaque.

Il est toutefois possible que des humains aient d'abord apporté le virus au marché et infecté les chiens viverrins ou que des humains infectés aient laissé des traces du virus près des animaux.

Mark Woolhouse, un spécialiste des maladies infectieuses à l'Université d'Édimbourg interrogé par l’AP, qui n’a pas participé aux travaux, estime qu'il sera essentiel de voir comment les séquences génétiques des chiens viverrins correspondent à ce que l'on sait de l'évolution historique du virus de la COVID-19.

Selon l’expert, si l'analyse montre que les virus animaux ont des origines plus anciennes que ceux qui ont infecté les humains, ce sera probablement la meilleure preuve que nous pouvons espérer obtenir qu'il s'agit d'un événement de débordement sur le marché.

En 2021, après une visite de plusieurs semaines en Chine pour étudier les origines de la pandémie, l'OMS publiait un rapport concluant que la COVID avait très probablement été passée de l'animal à l'humain.

L'année suivante, l'agence sanitaire de l'ONU a fait marche arrière, déclarant qu'il manquait encore des éléments clés à l’enquête.

Ces derniers mois, le directeur de l'OMS, M. Ghebreyesus, affirmait même que toutes les hypothèses restaient à l'étude et demandait à la Chine de partager davantage de données.

Les scientifiques du CDC chinois ont également analysé les échantillons recueillis sur les surfaces du marché de Huanan. Ils en ont tiré un article non révisé par les pairs et publié en février 2022. Ils y affirment que c'est l'humain qui a introduit le virus sur le marché, et non des animaux.

Ils ne mentionnent toutefois pas que du matériel génétique animal avait été trouvé dans les échantillons déclarés positifs à la COVID-19.

En février dernier, le département américain de l'Énergie estimait pour sa part qu'un accident de laboratoire en Chine était probablement à l'origine de la pandémie de COVID-19.