Un article écrit par Radio-Canada

Écoblanchiment : l’Union européenne veut faire le grand ménage sur les étiquettes

International > Environnement

Plus de la moitié des allégations vertes examinées par la Commission européenne dans les emballages et dans les publicités en 2020 contenaient des informations « vagues, trompeuses ou infondées ».Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Plus de la moitié des allégations vertes examinées par la Commission européenne dans les emballages et dans les publicités en 2020 contenaient des informations « vagues, trompeuses ou infondées ».

Affirmations trompeuses, labels verts fantaisistes, bilans carbone douteux : la Commission européenne a présenté mercredi son plan pour éliminer l'écoblanchiment (en anglais, « greenwashing ») des étiquettes et des publicités avec des sanctions « dissuasives » pour les entreprises qui font des déclarations infondées.

T-shirt à base de plastique recyclé, livraison neutre en CO2, crème solaire respectueuse de l'océan... Cette proposition législative, qui sera négociée par les États membres et par les eurodéputés, vise à contrôler ces formules destinées à happer le consommateur soucieux de l'environnement.

Cependant, elle n'interdit pas complètement l'allégation neutre en carbone, ce qu'ont vivement déploré les ONG environnementales.

Nous sommes bombardés d'informations. [...] Il est difficile pour le consommateur de distinguer la réalité de la fiction, a commenté le commissaire à l'Environnement Virginijus Sinkevicius, pour qui il s'agit de renforcer la confiance des consommateurs.

Preuves scientifiques exigées

Sur 150 allégations vertes (emballages, publicités) examinées par la Commission en 2020, la moitié (53 %) contenaient des informations vagues, trompeuses ou infondées : textile, cosmétiques, électroménager... aucun secteur n'était épargné. Et l'examen des quelque 230 labels écologiques existants dans l'Union européenne (UE) a montré que la moitié étaient accordés avec des vérifications faibles ou inexistantes.

Après avoir proposé en mars 2022 de bannir les allégations environnementales génériques et vagues (produit vert, écoresponsable...), l'exécutif européen s'entend désormais pour interdire toute affirmation qui ne serait pas soutenue par des bases factuelles et scientifiques, accessibles grâce à un code QR ou sur un site Internet.

Les États devraient veiller à ce que les allégations écologiques concernant des produits et des entreprises soient justifiées par des preuves scientifiques largement reconnues et identifient tous les impacts significatifs pour l'environnement, y compris négatifs.

Les systèmes de certification environnementale, soumis aux mêmes critères, devraient être transparents et régulièrement réexaminés (l'Écolabel officiel conçu par l'UE serait exempté). Pour éviter leur prolifération, la création de nouveaux labels privés ne serait autorisée que s'ils garantissent un niveau d'ambition environnementale supérieur aux systèmes existants.

Un plan prometteur, selon le Bureau européen de l'environnement

Les entreprises devraient faire contrôler le bien-fondé des allégations par des vérificateurs indépendants accrédités et, en cas d'infraction, elles risqueraient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.

Les nouvelles dispositions s'appliqueraient aux produits et services non couverts par d'autres textes européens à visée similaire, les investissements verts étant ainsi déjà réglementés par une taxonomie dévoilée fin 2021.

C'est un texte prometteur pour éliminer les allégations qui brouillent les pistes et empêchent de distinguer les entreprises qui s'efforcent de réduire leur impact environnemental et celles qui font simplement du greenwashing, a salué Blanca Morales, du Bureau européen de l'environnement (BEE).

La Commission met les moyens pour faire cesser ce "Far West", abonde Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).

Les consommateurs ont besoin d'informations fiables.

Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs

La mention zéro carbone critiquée

Sujet d'inquiétude toutefois : les entreprises disposeront d'une marge de manœuvre pour justifier leurs allégations, alors qu'une méthode de référence adoubée par l'UE permet déjà de mesurer l'empreinte environnementale des produits.

Nous introduisons des exigences communes sans prescrire de méthode spécifique, car une approche unique n'aurait pas été nécessairement appropriée pour tous les secteurs et la diversité des allégations visées, fait valoir M. Sinkevicius.

Les ONG déploraient l'absence d'interdiction des allégations de type neutralité carbone ou zéro émission.

Dans son projet, la Commission prévoit seulement d'obliger les entreprises se revendiquant neutres en carbone à détailler clairement si elles achètent des crédits sur le marché du CO2 ou si elles plantent des arbres pour compenser leur propre impact environnemental. Ces données et calculs seront vérifiés de façon indépendante, insiste M. Sinkevicius.

Des termes vagues et fallacieux comme "neutralité carbone" sont une stratégie marketing pour verdir son image en continuant à polluer en toute impunité. [...] La porte reste ouverte pour poursuivre de telles pratiques de greenwashing, dénonce l'ONG Carbon Market Watch.

Il n'existe actuellement pas de crédits disponibles qui peuvent véritablement neutraliser des émissions.

Carbon Market Watch

De telles affirmations suggèrent que des produits ou services n'ont aucun impact climatique, alors que c'est impossible scientifiquement, renchérit le BEE.

Pour le BEUC, cette situation est particulièrement problématique dans l'agroalimentaire : Aucune banane ou bouteille d'eau n'est neutre en CO2 : c'est un écran de fumée. [...] Planter des arbres qui mettent des décennies à pousser est beaucoup plus facile et moins cher mais nettement moins efficace que de réduire ses émissions, s'indigne Monique Goyens.