Un article écrit par Radio-Canada

Incendie dans le Vieux-Montréal : des proches de disparus témoignent

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An Wu, une postdoctorante en neurosciences portée disparue depuis l'incendie dans un bâtiment patrimonial du Vieux-Montréal.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
An Wu, une postdoctorante en neurosciences portée disparue depuis l'incendie dans un bâtiment patrimonial du Vieux-Montréal.

An Wu, 31 ans, Dania Zafar, 32 ans, Saniya Mazhar Khan, 31 ans, et Charlie Lacroix, 18 ans, font partie des personnes portées disparues après l'incendie d'un bâtiment patrimonial de la place D'Youville.

Alors que les recherches se poursuivent après l’incendie qui a ravagé jeudi un bâtiment patrimonial du Vieux-Montréal, des proches et des amis de personnes portées disparues témoignent et appellent les autorités à une plus grande transparence.

An Wu, 31 ans, est une postdoctorante en neurosciences venue à Montréal depuis San Diego pour assister à une conférence. Pour sa dernière journée dans la métropole, la ressortissante chinoise a décidé de louer un logement sur la plateforme Airbnb dans le Vieux-Montréal. Depuis mercredi soir, elle n’a donné aucun signe de vie alors que ses amis s’activent pour la retrouver.

Elle est introuvable, a confié à CBC Pantong Yao, un de ses amis. Comme nous nous inquiétions de sa disparition, nous avons lancé un appel sur les réseaux sociaux pour que la population locale nous aide à la retrouver, relate-t-il. Une personne a même visité tous les hôpitaux de Montréal pour vérifier si elle y était, mais c’est sans espoir, dit-il encore.

L'incendie s'est déclaré vers 5 h 30. Selon des témoins, des gens appelaient à l'aide depuis les fenêtres, et au moins une personne aurait sauté du bâtiment en flammes, situé à l'intersection de la rue du Port et de la place D'Youville.

À ce jour, un corps a été retrouvé sans vie dans les décombres de l'édifice incendié, alors que six personnes sont toujours portées disparues. La dépouille retrouvée est celle d'une femme, ont confirmé les autorités lundi matin, sans pour autant révéler l'identité de celle-ci.

Le feu, qui a pris naissance tôt jeudi matin, a aussi fait neuf blessés, dont deux demeurent hospitalisés dans une unité de soins pour grands brûlés.

Le bâtiment incendié abritait des logements offerts en location à court terme sur la plateforme Airbnb, ce qui est pourtant interdit dans ce secteur de la ville.

J'ai tout perdu

Jill Zhu, une autre amie de Mme Wu, affirme de son côté que la famille de cette dernière a réclamé des explications de la part d’Airbnb, lui demandant de fournir des informations concernant le contrat de location. L’entreprise a répondu que tous les détails sont partagés uniquement avec la police de Montréal, indique Mme Zhu.

Certains témoignages soulèvent des questions sur la conformité du bâtiment, mais le SPVM n'était pas encore en mesure d'apporter des précisions à cet effet lundi.

Selon une autre amie d’An Wu, la jeune scientifique est considérée comme une enfant prodige, une fierté pour toute sa famille. Elle se consacrait à ses recherches, passant environ 18 heures par jour à travailler dans le laboratoire universitaire. C"est un très bon modèle pour tout le monde.

Depuis le Pakistan, Mahmoud Zafar s’impatiente. Il veut avoir des renseignements sur sa fille Dania, 32 ans, dont il est toujours sans nouvelles.

Nous étions très proches. Pour moi, c'est la fin du monde. J'ai tout perdu.

Mahmoud Zafar, père de Dania, une femme portée disparue depuis l’incendie

Selon lui, Dania Zafar est arrivée à Montréal mercredi dernier pour une escapade d'une nuit avec son amie d'enfance, Saniya Mazhar Khan, 31 ans, elle aussi portée disparue depuis jeudi.

Elle nous a montré [le logement]. Elle a dit que c'était plutôt bien et qu'il y avait une fenêtre, a déclaré M. Zafar, ajoutant que Dania avait choisi le bâtiment dans le Vieux-Montréal pour son histoire et son inspiration artistique.

Elle était censée rester une nuit dans un Airbnb à Montréal avant de rentrer chez elle à Toronto le lendemain, mais elle n’a plus donné signe de vie.

Les membres de sa famille ont commencé à s'inquiéter lorsque Dania a cessé de répondre au téléphone. Ils ont demandé à une amie de vérifier son appartement à Toronto, mais elle n'était pas là. Finalement, la famille a décidé de signaler aux autorités montréalaises la disparition de Dania et c'est alors qu'un agent de la police de Montréal les a contactés.

Qui est responsable?

Je pense qu'elle était au mauvais endroit au mauvais moment et que toutes les chances étaient contre elle, se désole Mahmoud Zafar.

Il décrit sa fille comme une personne libre et indépendante qui réalise ses rêves. Elle est si amicale. Tous ceux qui la rencontrent ne l’oublient jamais, dit-il encore, assurant avoir l'espoir qu’elle sera toujours vivante. Elle adore les chats, la nature, les plantes.

M. Zafar affirme qu'il veut des réponses et davantage de transparence de la part des autorités à Montréal, se disant frustré de ne pas savoir pourquoi sa fille n'a pas encore été retrouvée. Son logement se trouvait au troisième étage. Elle aurait dû être repérée maintenant.

Je dois retrouver ma fille. Que lui est-il arrivé? Pourquoi n'a-t-on pas pris de précautions? Qu'est-ce qui a mal tourné? Qui est responsable?

Mahmoud Zafar, père de Dania

Lundi, la police de Montréal a affirmé que l'enquête pourrait s'échelonner sur minimalement une à deux semaines, affirmant que la tâche serait extrêmement difficile. Un camion-nacelle, des grues et d'autres équipements ont été déployés pour faciliter les travaux des policiers et des pompiers, de même que des techniciens du laboratoire en sciences judiciaires.

L’amie qui accompagnait Dania à Montréal, Saniya Khan, est quant à elle venue de Détroit, où elle poursuit une maîtrise en santé publique. Les deux femmes se sont rencontrées au Pakistan alors qu’elles n’avaient que 10 ans, selon le père de Saniya, Mazhar Khan. Elles travaillaient ensemble à l’écriture d’un roman et avaient beaucoup de projets ensemble.

Nous avions l’habitude de parler tous les jours, affirme M. Khan. Elle ne me cachait rien, elle partageait avec moi ses problèmes, ses rêves, ses joies et tout.

Disant qu’une partie de son cœur avait disparu avec sa fille, M. Khan est arrivé à Montréal dès qu’il a entendu la nouvelle de l’incendie, mais il est rapidement rentré chez lui pour s’occuper du reste de sa famille, affligée par la nouvelle. Il compte toutefois revenir à Montréal cette semaine et se dit déterminé à ne pas en repartir sans sa fille.

En 15 minutes, c'était terminé

Charlie Lacroix, 18 ans, est une autre jeune femme disparue dans l’incendie de jeudi dernier. En entrevue avec Patrice Roy sur ICI RDI, Thierry Lacroix, son grand-père, semblait inconsolable. Il dénonce la non-application de la loi réglementant les logements offerts en location à court terme à Montréal, déplorant la déficience des mesures de sécurité du bâtiment patrimonial incendié.

Sa petite-fille, qui était avec son copain à l’intérieur du bâtiment au moment de l'incendie, avait composé le 911, exhortant les secours à venir les chercher tout en affirmant qu’il n’y avait pas de fenêtres dans leur chambre louée. Un deuxième appel, plus alarmant, a été effectué trois minutes plus tard par son copain disant : Venez nous chercher, on ne peut pas sortir!

Ça nous donne des frissons juste à en parler. [...] C'était une belle jeune fille, intelligente, allumée, elle avait toute la vie devant elle. Et en 15 minutes, c’était terminé.

Avec les informations d'Isaac Olson et de Joe Bongiorno, de CBC News