Un article écrit par Radio-Canada

Un contrôle d’alcoolémie à domicile par la police suscite des inquiétudes

Justice et faits divers > Forces de l'ordre

Un Ontarien résidant à Barrie a récemment dû se soumettre à un test d'alcoolémie que lui demandait la police alors qu’il était à son domicile.

Il y a près d’une semaine, alors qu’il venait de rentrer chez lui après avoir magasiné, Micah Colbert, un jeune de 20 ans, a reçu à sa porte la visite d’un policier venu contrôler son taux d'alcoolémie. La scène a été filmée par le jeune homme, qui l’a publiée sur le réseau social TikTok.

Dans la vidéo, qui a été vue plus de 1,5 million fois, l’agent dit avoir reçu une plainte de la Police provinciale de l'Ontario (PPO) au sujet d'une possible conduite avec facultés affaiblies.

Le jeune homme, affirmant ne pas avoir bu, a donc obtempéré et son test a affiché un taux d'alcool de 0 %.

Cet incident survient alors que la Cour suprême du Canada, dans une autre cause, a récemment confirmé que la police n'a pas le pouvoir d'effectuer des contrôles d'alcoolémie aléatoires sur une propriété privée.

Dans le cas de Micah Colbert, le contrôle n'était pas aléatoire, puisque la police affirme avoir reçu une plainte à son égard. L'évènement soulève toutefois des inquiétudes .

La problématique, c'est qu'on a perdu la personne de vue [...] donc est-ce qu'il s'agit bien de la personne qui conduisait le véhicule? Il faut que les policiers soient convaincus de cela, affirme l'ancien policier François Doré. Comment peut-on démontrer que la personne qui était sur la route soit celle qui réponde à la porte?

François Doré assure que l’incident est inhabituel, car la conduite en état d’ébriété doit être constatée sur la route par des policiers qui ont un contrôle visuel sur les évènements, sur le véhicule et sur la personne.

Ce genre d'infraction, insiste-t-il, doit être démontré au moment des faits, non seulement pour intercepter le véhicule et mettre fin au danger, mais aussi parce que si la personne, une fois rendue chez elle, décide de consommer un verre d’alcool, [la quantité] d'alcool qu'elle a dans son sang n’est plus la même, donc on perd à ce moment-là une forme de suivi du dossier.

Pour sa part, Lex Gill, avocate au sein de l’Association canadienne des libertés civiles, dit être préoccupée par le pouvoir de la police d'effectuer ce genre de contrôle. Nous savons qu'en réalité il n'y a rien d'aléatoire, ce sont des prétextes pour conduire des profilages raciaux, affirme-t-elle.

Ces pratiques, poursuit l'avocate, ciblent souvent des personnes innocentes qui finalement ne sont pas accusées.

Me Gill souligne par ailleurs qu'il est difficile de mettre en place des mécanismes pour contrôler les actions policières.

La police de Barrie n'a pas accepté notre demande d'entrevue. Toutefois, dans une déclaration écrite, elle affirme prendre au sérieux les plaintes pour conduite en état d'ébriété, et confirme devoir parfois se rendre à des domiciles pour faire le suivi.

Avec les informations d’Andréane Williams et de CBC