Un article écrit par Julie Sicot

Tuerie de Portapique : la GRC passe « à l’action »

Justice et faits divers > Forces de l'ordre

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) promet d'améliorer la manière dont elle gère les crises, mais entend aussi s'attaquer à la culture de gestion au sein de l'institution. Ces engagements ont été présentés mercredi en réponse au rapport de la Commission des pertes massives sur la tuerie de Portapique de 2020, qui a fait 22 morts.

Le commissaire de la GRC, Mike Duheme, était accompagné par son homologue provincial Dennis Daley mercredi à Milbrook, en Nouvelle-Écosse, pour présenter un plan intitulé « Passer à l'action ».

Le rapport final de la Commission des pertes massives, dévoilé en mars dernier, contenait 130 recommandations. La GRC estime aujourd’hui qu’elle peut agir directement sur 33 d’entre elles et qu'elle peut jouer un rôle important pour 55 autres.

Mike Duheme, le commissaire de la GRC, estime que la mise en place de ces recommandations va changer le mode de fonctionnement de la GRC.

Mais la GRC prévient déjà qu'un changement d’une telle ampleur prendra du temps.

Une meilleure gestion des crises

La GRC a présenté 53 mesures de suivi réparties en 10 thèmes.

La gestion de crise est le premier de ces thèmes et fait l’objet de 23 mesures de suivi. Parmi celles-ci, on compte la possibilité de créer un centre national spécialisé en soutien aux victimes de terrorisme ou de crimes de masse.

Pour la GRC, il faut aussi mieux comprendre les facteurs à l’origine des pertes massives. L’homme de 51 ans auteur de cette tuerie de masse avait déjà eu des démêlés avec la justice, il possédait illégalement des armes à feu et était connu pour des faits de violences conjugales.

Ce dernier sujet fait également l’objet d’un suivi par les autorités. La GRC indique vouloir mettre à jour ses politiques sur la prise en charge de ces situations avec une approche centrée sur la victime. La compagne du tueur avait été considérée comme une suspecte durant une bonne partie de l’enquête.

Plus de transparence et de suivi

Sur la gouvernance, l'institution s'engage à adopter une approche globale pour mettre en œuvre les recommandations issues des examens externes actuels et passés.

Un effort nécessaire pour réinstaurer la confiance du public dans l'institution. Le commissaire a d'ailleurs créé en mai 2023 un comité baptisé Réforme, reddition de comptes et cultures. Le lien de confiance sera rebâti en donnant des résultats et en étant transparent, selon Mike Duheme, qui avait pris son poste une dizaine de jours avant la remise du rapport de la Commission.

Ce nouveau comité est chargé de faire le suivi des recommandations, alors qu'auparavant les rapports sur les accidents étaient gérés par un responsable de programme et [M. Duheme] trouve que cela manquait de continuité.

Un portail interactif sera aussi déployé pour que le grand public puisse suivre la progression des mesures prises.

L'organisation est composée de 30 000 personnes, changer un cap ou la culture de 30 000 personnes, ça peut être un défi en soi

Mike Duheme

En ce qui concerne la formation et le recrutement, la GRC dit être consciente du manque de diversité et s'engage à recruter plus de femmes et de membres des communautés minoritaires comme les Autochtones.

La GRC s'engage aussi à améliorer la façon dont elle sélectionne et récompense ses dirigeants.

Certaines mesures ont déjà été mises en place par la GRC, comme le déploiement du système En alerte, qui permet aux autorités d'envoyer des alertes au public par l'entremise de messages radio, télé et par des signaux sans-fil. Il a notamment été utilisé lors de la tuerie de 2022 dans la nation crie James Smith, qui a causé la mort de 11 personnes.

Autre mesure, également déployée, le système Suivi des forces bleues dans toute la Nouvelle-Écosse. J'ai eu la chance de le voir en action. Sur une carte, tous nos membres sont identifiés avec un dispositif électronique, a expliqué Mike Duheme lors du point presse. Il y a une personne dans une salle qui peut contrôler, et dicter aux gens où aller si les agents ne sont pas familiers des routes.

Durant la tuerie de Portapique, la méconnaissance de la zone géographique et de la communauté par certains intervenants avait été mise en avant.

La GRC se donne jusqu’à avril 2025 pour terminer le plan qui permettra de mettre en oeuvre ces mesures, mais estime que leur implantation pourrait prendre plusieurs années.

À l'issue de ce point presse, Sandra McCulloch, avocate de famille de victimes, indique que celles-ci auraient aimé plus de détails afin de mieux comprendre, concrètement, ce qui a changé et comment ces changements répondent aux recommandations de la Commission.

Les excuses devraient aller à toute la communauté et à la caserne, ajoute de son côté Darrell Currie.

Il a été pris dans la caserne sur laquelle les policiers ont ouvert le feu lorsqu’ils traquaient le meurtrier, alors qu’il ne se trouvait pas dans cette région. Il aurait aimé être prévenue que la GRC allait dévoiler cette stratégie.

Plusieurs organes sont chargés de suivre le travail de la GRC sur ces recommandations, comme le Comité de suivi des progrès, créé par le gouvernement fédéral et par la province de la Nouvelle-Écosse.

Avec ce tragique incident qui s'est passé, si on n'apprend pas et si on ne bouge pas, c'est arrivé pour rien, et ce n'est pas mon intention, a insisté Mike Duheme.