Un article écrit par Stéphane Bordeleau

Québec a choisi d’ignorer la crise du logement, déplore Valérie Plante

Politique > Logement

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, estime que le gouvernement Legault a choisi, dans son dernier budget, d'ignorer la crise du logement et le financement à long terme des société de transport en commun.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, estime que le gouvernement Legault a choisi, dans son dernier budget, d'ignorer la crise du logement et le financement à long terme des société de transport en commun.

Déçue par la timidité des mesures pour lutter contre la crise du logement et contre le déficit financier des sociétés de transport en commun dans le dernier budget du Québec, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en arrive à la conclusion que le gouvernement Legault a sciemment décidé d’ignorer ces questions cruciales pour les municipalités.

Mme Plante, qui faisait le point mercredi matin sur le budget présenté hier à Québec par le ministre des Finances, Eric Girard, s’étonnait encore que le gouvernement ait consacré si peu de ressources à ces deux crises qui affectent autant de citoyens partout au Québec.

Avant la présentation du budget, j’ai rencontré le ministre Girard. On avait décidé de lui présenter deux demandes […]. On a demandé du soutien financier pour régler la crise du logement qui sévit présentement à Montréal […]. Mais aussi, on a demandé au ministre de trouver des solutions pour régler la crise du financement dans le transport collectif.

Au bout du compte, la mairesse n’aura reçu ni l’un ni l’autre.

Selon Valérie Plante, à l’heure où 24 000 ménages attendent un logement à Montréal, les 191 millions de dollars par année que propose le ministre Girard pour accélérer la réalisation des projets de logement social déjà annoncés sont plus qu’insuffisants.

Cette année encore, il n’y a malheureusement aucun nouvel argent pour des unités de logement social et communautaire. C’est seulement de l’argent pour des unités qui étaient en attente […] alors que les besoins en logements sociaux n’arrêtent pas d’augmenter, constate la mairesse.

Le logement social, je le rappelle, c’est la responsabilité du gouvernement du Québec. Ça fait partie de ses compétences, de ses pouvoirs.

[Le fait] de ne pas investir d’argent nouveau, avec tout ce que je viens de vous dire, je suis obligée de dire que le gouvernement du Québec fait le choix d’ignorer la crise du logement.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Dans son budget déposé hier à Québec, le ministre des Finances consacre en fait un milliard de dollars sur six ans à la crise du logement. De ce montant, 650 millions seront alloués à la construction de 1500 nouveaux logements abordables dans l’ensemble du Québec.

Le reste de l’argent doit servir à financer 450 logements par l'entremise de l’Initiative pour la création rapide de logements ainsi qu'à accélérer la réalisation de 3300 logements Accès Logis déjà annoncés, toujours sur l’ensemble du territoire.

Pour Valérie Plante, la crise du logement est une réalité qui semble échapper au gouvernement.

La crise du logement, ce n’est pas un slogan, c’est du monde, c’est des vraies histoires, a tonné Mme Plante.

Ne pas investir de nouvel argent dans le logement social et communautaire, ça force les villes, les organismes communautaires et tous les partenaires à trouver des solutions d’urgence. Des solutions d’urgence dans la rue, dans le métro, dans les refuges, dans les organismes communautaires... Ça ne tient pas la route.

Des fois, j’aimerais ça qu’il y ait une période de questions des citoyens et citoyennes à l’Assemblée nationale, comme c’est le cas dans nos conseils d’arrondissement et ici, au conseil municipal. Parce que nous, on les voit, ces personnes-là qui viennent nous voir et qui sont en détresse.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Soulignant que le gouvernement Legault a consenti hier neuf milliards de dollars en baisses d’impôt dans son dernier exercice financier, la mairesse a déclaré : Je ne peux pas m’empêcher d’évaluer le nombre de logements que ça donnerait. Ça représente 50 000 logements sociaux… C’est un choix!

Legault blâme la lenteur des offices municipaux

Questionné en point de presse sur les choix de son gouvernement en matière d'habitation, le premier ministre François Legault a rétorqué que le problème du manque de logements sociaux est attribuable non pas à l’insuffisance des ressources financières mais à l’inefficacité des autorités municipales qui, selon lui, mettent beaucoup trop de temps à construire des logements.

Selon M. Legault, son ministre des Finances, Eric Girard, constate depuis deux ans que l’argent consacré aux logements sociaux n’est pas entièrement dépensé en raison du retard des chantiers, d’où la décision de consacrer cette année des sommes à l’accélération des chantiers plutôt qu’à l’annonce de milliers de nouveaux logements qui ne seront pas construits.

Le problème qu’on a, ce sont les délais, a-t-il expliqué. Le défi, c’est vraiment d’accélérer la construction des logements, d’utiliser l’argent qui était déjà disponible, d’utiliser l’argent qu’on ajoute, et, éventuellement, on va en ajouter au fur et à mesure qu’on réussit à construire.

Quand on passe par l’OMH, ça prend quatre ans [pour] construire. Alors quand même qu’on ajouterait et qu’on ajouterait de l’argent… Il y avait déjà, avant le budget, de l’argent pas dépensé.

François Legault, premier ministre du Québec

Se disant ouvert à l'idée de travailler avec les représentants des villes, notamment avec la mairesse Valérie Plante, M. Legault a expliqué qu’il faut, avant d’engager de nouvelles sommes, trouver le moyen d’accélérer la délivrance des permis et la recherche de terrains et réussir à alléger la bureaucratie qui freine la réalisation des projets en cours.

Transport en commun : « On sauve les meubles »

En ce qui a trait au financement des sociétés de transport en commun, la mairesse Plante a salué au passage la décision de Québec d'investir 400 millions de dollars pour aider les sociétés de transport en commun de la province à éponger en partie leurs déficits de fonctionnement.

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui regroupe les sociétés de transport de la région de Montréal, estime à environ 500 millions de dollars son manque à gagner financier pour l’année en cours.

L'ARTM est aux prises avec de lourds problèmes financiers depuis le début de la pandémie de COVID-19, qui a fait fondre l'achalandage et propulsé la popularité du télétravail. Elle accumule les déficits depuis lors.

Cependant, on ne peut pas continuer de la sorte, martèle Valérie Plante, pour qui les sommes annoncées hier ne serviront qu’à sauver les meubles et à éviter d’affecter davantage le service.

[C'est] une chose à laquelle on ne veut pas toucher, parce que si on veut que les gens reviennent dans le transport collectif, si on ne peut pas leur garantir un bon service, ça ne va pas les intéresser.

Nos sociétés de transport ont besoin de prévisibilité au moins pour les cinq prochaines années. C’est ce qu’on a demandé, c’est ce qu’on demande depuis longtemps.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Les revenus de la taxe sur l’essence diminuent, la capacité de payer des usagers est limitée, surtout dans un contexte d’inflation. On doit réfléchir à d’autres sources de financement pour le transport collectif. Il faut aussi un plan de relance du transport collectif, a plaidé la mairesse une fois de plus.

Sur les bancs de l'opposition, le chef d'Ensemble Montréal, Aref Salem, a également déploré un désengagement préoccupant du gouvernement en habitation et en transport collectif.

Ce budget reflète ce que nous savions déjà : l’administration Plante a perdu son poids politique pour réussir à combler ses besoins de base, déclaré M. Salem. Montréal devra faire cavalier seul, assumer pleinement son leadership et apprendre à gérer rigoureusement ses finances pour faire face au ralentissement économique à venir.

De l'autre côté du fleuve Saint-Laurent, la direction du Réseau de transport de Longueuil (RTL) dit estimer elle aussi qu'il est primordial de mettre en place un nouveau cadre de financement suffisant, prévisible, dédié et pérenne.

Saluant la décision de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, de consulter les sociétés de transport en commun pour discuter de leur financement, la présidente du conseil d’administration du RTL, Geneviève Héon, a affirmé avoir hâte, mercredi dans un communiqué, de prendre part à cette rencontre dans l'espoir d'en arriver à une solution gagnante pour la clientèle sans perdre de vue les problèmes financiers auxquels fait face l'organisation.