Un article écrit par Simon Gohier

« L’obstacle principal, c’est moi » : des hommes hésitent encore à demander de l’aide

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La stigmatisation interne dont souffrent plusieurs personnes, en particulier des hommes, est tenace, affirment des experts en santé mentale.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La stigmatisation interne dont souffrent plusieurs personnes, en particulier des hommes, est tenace, affirment des experts en santé mentale.

La stigmatisation interne dont souffrent certains hommes freine parfois leur capacité à demander de l’aide.

Si les discussions entourant les enjeux de santé mentale prennent de l’ampleur dans le discours social actuel, la stigmatisation interne dont souffrent certains hommes continue de freiner leur capacité à demander de l’aide. Pourtant, ceux qui franchissent cette étape croient en l’importance de s’ouvrir, de se regrouper et de consulter.

Dans ma vie, j’étais très négatif, admet sans détour Antony Cloutier. Je n’avais aucun objectif, je vivais au jour le jour. J’étais très renfermé.

Même s’il reconnaissait avoir besoin d’appui pour surmonter ses démons, Antony n’était pas prêt à demander de l’aide professionnelle.

Il a rejoint un groupe d’entraide. Il y avait une question d’argent, mais aussi, cette idée qu’un professionnel qui m’aidait, ça voulait dire que j’avais un problème.

Je me suis dit qu’il fallait que je change. Quelque chose devait changer en moi.

Antony Cloutier

La stigmatisation interne dont souffrent plusieurs personnes, en particulier des hommes, est tenace, remarque le docteur John Ogrodniczuk, directeur du programme de psychothérapie à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC).

Il semble que nous nous imposions à nous-mêmes des exigences différentes de celles que nous imposons aux autres. Ainsi, si nous pouvons faire preuve de compassion et d'empathie à l'égard d'une autre personne en difficulté, nous ne semblons pas partager cette attitude avec nous-mêmes.

Ce double standard n’échappe pas à Joe Rachert, qui a longtemps travaillé dans le domaine de la santé mentale, mais qui a laissé ces choses lui arriver.

Je connaissais tous les signaux, je connaissais tous les signes, et pourtant, j'ai ignoré chacun d'entre eux jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Joe Rachert

L’émotion est telle que Joe doit prendre une pause, et reprendre son souffle. Ça a frappé fort, et profondément. Je n’arrivais pas à voir la lumière au bout du tunnel.

C’est d’ailleurs là où le bât blesse, selon le Dr Ogrodniczuk. Cette tendance souvent masculine semble renforcée par les construits sociaux voulant attribuer l’autosuffisance comme étant intrinsèquement liée à la condition masculine.

Avoir un certain degré d'autonomie est en fait une chose saine pour chacun d'entre nous, mais poussé à l'extrême, lorsque nous nous privons de la possibilité d'obtenir de l'aide si et quand nous en avons besoin, nous nous exposons en fait à un plus grand risque de souffrance à long terme.

Une étude menée en Australie auprès de 14 000 personnes a examiné les facteurs prédictifs du suicide, affirme le professeur. Elle a révélé que l'autosuffisance poussée à l'extrême était en fait le meilleur indicateur de la propension au suicide chez les hommes.

Des solutions de rechange aux méthodes traditionnelles

Alors qu’il trouve que l’offre de services en santé mentale spécifique pour les hommes est insuffisante, le docteur Ogrodniczuk, est de ceux qui passent à l’action.

Il a fondé HeadsUpGuys, un organisme à but non lucratif qui contribue à l’éducation du public en matière de santé mentale et qui aide les gens à comprendre comment accéder aux services.

Si la voie clinique n’est pas une option valable pour tous, de plus en plus d’hommes ont recours à des alternatives, tels les groupes d’entraide. C’est le cas d’Antony.

Lors de ces rencontres, la parole est accordée à quiconque veut s’exprimer, dans le contexte d’un espace protégé où plusieurs hommes trouvent enfin les mots pour se délester d’un poids qu'ils portent depuis des années, dans certains cas.

Si j’avais un message à m’envoyer, à moi-même, dans mon passé, c’est que la vie est belle, et que je dois faire tout ce que je peux pour voir cette beauté. L’obstacle principal, c’est moi.

Joe joint sa voix à celle d’Antony pour encourager les gens à tendre la main. Arrête d’être si dur envers toi-même! Aime-toi, et va chercher de l’aide. Fais-le!