Un article écrit par Roby St-Gelais

Un manque de reconnaissance difficile à vivre pour ceux qui souffrent de la COVID longue

Santé > Santé physique et mentale

Même si la pandémie de COVID-19 retient moins l'attention qu'auparavant, elle continue de laisser des traces durables chez plusieurs personnes qui souffrent de la COVID longue, ce mal invisible dont les effets sur la santé commencent à être compris peu à peu.

La Saguenéenne Isabelle Desbiens, qui vit avec des symptômes post-COVID depuis 14 mois, interpelle le gouvernement et souhaite plus de reconnaissance pour ceux et celles qui souffrent et nagent dans l'inconnu.

La vie de cette résidente de La Baie s'est transformée en véritable bataille quotidienne.

En souffrant de la COVID longue, c'est de la fatigue, des symptômes post-effort quand on fait de l'exercice, si je passe la balayeuse, des choses comme ça, le travail, la concentration quand je travaille à l'ordinateur, c'est toutes les activités de vie quotidiennes qui sont touchées, explique-t-elle.

Au fil du temps, elle a appris grâce à son ergothérapeute à découper sa journée en segments pour mieux répartir son énergie dans une journée.

Par exemple, ma balayeuse, je dois découper en trois fois pour passer la balayeuse dans mon appartement, entre ça, je dois prendre des pauses.

Isabelle Desbiens n’aurait jamais douté souffrir de symptômes de post-COVID après avoir contracté le virus. Elle commence à se sentir mieux dans les jours suivants, jusqu’à tant qu’elle frappe un mur lorsqu’elle se trouve chez une amie.

J’étais assise, je prenais un café, et en dedans d’une demi-heure, j’ai crashé, crashé et j’ai dit à mon amie que je ne sais pas ce qui se passe, mais il faut que je m’en aille, se souvient-elle à propos de s abaisse d'énergie soudaine.

La femme subit ensuite une batterie de tests, mais on ne lui décèle rien d’anormal. Elle se tourne vers son médecin de famille, qui accepte de l’aider malgré sa méconnaissance de la COVID longue. Il comprend rapidement que les choses ne tournent pas rond.

Elle est aujourd’hui limitée à travailler une quinzaine d'heures par semaine, vit un stress financier et a dû mettre son amour pour la randonnée sur pause. Elle trouve un peu de réconfort sur un groupe Facebook auprès de gens qui vivent la même chose qu’elle.

Les murs de son appartement sont tapissés de décorations liées à sa passion pour le plein air, question d'entretenir l'espoir de retrouver sa vie d'avant.

Avant je pouvais marcher cinq heures, six heures dans le bois sous la pluie en montagne, mais là, si je marche 20-25 minutes sur du planche, c'est ce que je suis capable de faire. J’ai dû annuler aussi des voyages et des présences à des spectacles, ajoute la dame qui dit aussi souffrir psychologiquement.

Des patients stigmatisés

Isabelle Desbiens n'est pas la seule dans cette situation. Au Canada, environ 15 % des personnes atteintes de la COVID-19 développent des symptômes à long terme, selon les données de Statistique Canada.

Ces personnes doivent cependant faire face à plusieurs défis parce qu'il leur est souvent difficile de recevoir le soutien nécessaire.

Pour le Dr Alain Piché, qui dirige depuis 2020 une clinique spécialisée à Sherbrooke pour les affections post-COVID, il y a encore beaucoup de méconnaissance liée à cette maladie.

Il y a quand même beaucoup d'incompréhension je dirais par rapport à la longue COVID, beaucoup d'ignorance aussi et c'est vrai que ces patients en partie sont stigmatisés. Donc c’est important que les gens qui voient ces patients-là dans les différentes cliniques fassent preuve d'ouverture et d'empathie pour prendre en charge ces patients correctement, signale le microbiologiste-infectiologue au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Estrie - Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Ouverture attendue au Saguenay

En mai dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, annonçait la création d'une quinzaine de cliniques pour offrir des soins aux patients souffrant de la COVID longue, dont une à Saguenay, mais l'ouverture se fait toujours attendre. Celle-ci est prévue au printemps, selon le CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean. 

Isabelle Desbiens interpelle le ministre Dubé. Selon elle, encore trop de médecins évoquent des problèmes de santé mentale quand il est question de COVID longue.

Même si demain matin il ne peut pas ouvrir la clinique de la COVID longue, au moins qu'il [le ministre Dubé] donne un coup de massue : hé les médecins, c'est assez, ils ont la COVID longue.

Dans son cas, elle se dit chanceuse que son employeur Devinci fasse preuve de compréhension. Ce ne sont cependant pas toutes les personnes qui ont des symptômes de la maladie qui parviennent à conserver leur emploi, a-t-elle constaté en discutant avec d’autres patients.

À Sherbrooke, la demande est tellement forte que la moitié des patients proviennent de l'extérieur. La liste d'attente compte des centaines de noms. Le Dr Piché espère que toute la population aura bientôt accès à ce service.

C'est important d'ouvrir ces cliniques. Ce n'est pas facile pour ces patients de voyager sur de grandes distances, surtout dans le contexte où ces gens-là ont des malaises post-effort. Beaucoup de fatigue, des stress comme le voyage, comme une visite chez le médecin ça peut être suffisant pour engendrer des malaises post-effort, note le microbiologiste-infectiologue.

Selon le Dr Piché, certains patients réussissent à ne plus éprouver de symptômes post-COVID au bout d’un certain temps alors que la situation perdure dans le temps pour d’autres. Les recherches sur la maladie sont encore relativement récentes, mais des médicaments pourraient éventuellement soulager ceux et celles qui souffrent.

En attendant, Isabelle Desbiens multiplie les rendez-vous avec les spécialistes qui l’accompagnent dans l’espoir un jour d’apercevoir un peu de lumière au bout du tunnel et de redevenir la fille d’avant.