Un article écrit par Rebecca Kwan

La langue parlée exclue du protocole de traitement ambulancier à Ottawa… pour l’instant

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La révision de l’entente de service entre les services paramédicaux et des hôpitaux pourrait changer la donne. (Photo d'archives)Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La révision de l’entente de service entre les services paramédicaux et des hôpitaux pourrait changer la donne. (Photo d'archives)

Radio-Canada a appris que la révision de l’entente de service ambulancier est sur le point d’être officialisée entre le Service paramédic d’Ottawa et les hôpitaux d’Ottawa, ce qui pourrait représenter une avancée pour les francophones de la capitale fédérale.

Cet accord, qui entrera bientôt en vigueur, contient des dispositions permettant aux patients francophones d'être dirigés, dans certaines situations, vers la salle d'urgence d'un hôpital désigné en vertu de la Loi sur les services en français de l'Ontario, confirme le directeur des communications à l’Hôpital Montfort, Martin Sauvé, sans trop vouloir s’avancer sur le sujet.

Il soutient néanmoins que tous les hôpitaux d’Ottawa dotés d’une salle d’urgence sont signataires de l’entente.

Des représentants d'associations franco-ontariennes déplorent depuis plusieurs années que le critère de la langue ne soit pas actuellement pris en considération lors d’appels 911 nécessitant un transport par ambulance dans la capitale fédérale. Ils rappellent qu’être servi en français est loin d’être un caprice, surtout en matière de soins de santé.

Les gens vont me dire : ''mais pourquoi j'étais tout près de [l’Hôpital] Montfort, puis on m'a envoyé à l'Hôpital Queensway Carleton, ou on m'a envoyé au campus Civic de l'Hôpital d'Ottawa?'' rapporte l’ancienne présidente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l'Est de l'Ontario (RSSFEO), Jacinthe Desaulniers.

C'est malheureusement parce que la langue n'est pas prise en considération, s'offusque-t-elle.

Mme Desaulniers dit comprendre pourquoi la langue parlée du patient n’est pas le premier critère inscrit au protocole des services ambulanciers. Mais ça devrait être l’un des critères, soutient-elle.

La langue, ce n'est pas un caprice, c'est vraiment un facteur de qualité dans l'offre de service de santé.

Jacinthe Desaulniers, ancienne présidente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l'Est de l'Ontario

Selon l’ancienne PDG du RSSFEO, c’est d’autant plus important lorsqu’il est question d’appels au 911. Quand on parle d'ambulance, ça veut dire que les gens sont dans des moments de vulnérabilité, rappelle-t-elle.

À noter que si des patients franco-ontariens ont déjà éprouvé des difficultés par le passé à l'occasion d’appels au 911, la Ville d’Ottawa confirme que toutes les personnes qui répondent aux appels aujourd’hui sont bilingues.

Pas au détriment des patients

Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO), Fabien Hébert, estime que la langue de traitement impacte positivement le résultat. Si le pourvoyeur de service et le client parlent la même langue, le résultat du traitement va être meilleur que si on a une barrière linguistique.

Un tel changement ne devrait toutefois pas se faire au détriment de la capacité de traitement ou encore de la santé du patient, tient-il à préciser.

Il ne faudrait surtout pas, insiste-t-il, que l'ajout du critère de la langue au protocole des services ambulanciers mette un obstacle à la survie d'un [patient].

C'est certain que s'il y a déjà [...] 10 ambulances à l'Hôpital Montfort qui sont en attente, peut-être que je préférerais que [mon père] se retrouve au campus Civic de l'Hôpital d'Ottawa ou au campus Général de l'Hôpital d'Ottawa, offre comme hypothèse M. Hébert.

Fabien Hébert tiendrait simplement, dit-il, à ce que son père soit soigné immédiatement, même si ce n’est pas dans la langue de son choix.

Je pense que le traitement immédiat est plus important que de recevoir le service en français immédiatement.

Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l'Ontario

Par la suite, pour la convalescence, là c'est clair qu'on a besoin de s'organiser pour que la convalescence soit faite dans un milieu francophone, d’ajouter M. Hébert.

Répondre à la clientèle francophone

Quant à lui, le président de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa), Éric Barrette, estime que des améliorations s’imposent dans l’ensemble du système de santé.

Je pense que l'ensemble du système doit être capable de répondre à la clientèle francophone, indique-t-il. C'est tout un système qui doit s'adapter pour bien répondre au service en français.

Être servi dans la langue de son choix permet de bien verbaliser le problème de santé, renchérit M. Barrette qui souhaite lui aussi que le critère de la langue soit pris en considération lors d’appels 911.

Pour l'avoir déjà vécu, c'est moins naturel d'expliquer un [problème] de santé quand ce n'est pas ta langue première, témoigne-t-il.

On ne voudrait pas, par exemple, que quelqu'un refuse de prendre l'ambulance, puis décide de lui-même se rendre à l'hôpital de son choix dans une situation où sa santé peut être fragilisée.

Éric Barrette, président de l’Association des communautés francophones d’Ottawa

Évidemment, si c'est [une situation] de vie ou de mort, tu vas avoir les soins de première ligne le plus rapidement que possible, tient-il à souligner.

Une question de délais de traitement

En réaction aux préoccupations soulevées par ces militants francophones, le chef du Service paramédic d’Ottawa, Pierre Poirier, rappelle qu’il est trop souvent arrivé par le passé que les délais de traitement des appels d’urgence ne soient pas respectés.

Privilégier le transport de patients vers un hôpital francophone pour des raisons non médicales, soit leur langue de préférence, à ce moment-ci compromettrait les soins aux patients actuels en exacerbant les délais de déchargement et les soins aux patients éventuels en retardant la réponse aux appels 911 dans la collectivité, explique M. Poirier dans une déclaration écrite envoyée à Radio-Canada.

Présentement, les préférences des patients ne peuvent pas être prises en compte, étant donné les pressions et défis immenses auxquels le système de santé fait face.

Pierre Poirier, chef du Service paramédic d’Ottawa

M. Poirier rappelle que le Service paramédic d’Ottawa se conforme à la Loi sur les ambulances de l’Ontario qui exige de transporter le patient selon les directives de l’agent de répartition des ambulances vers l’établissement de soins de santé le plus près qui est en mesure de fournir les soins appropriés.

La gravité de l’état du patient, la disponibilité des services médicaux de l’hôpital destinataire, les délais de déchargement des hôpitaux et le choix d’hôpital destinataire du patient figurent, dans l’ordre, parmi les critères de priorités actuellement respectés par le Service paramédic d’Ottawa.

Puisque la révision de l’entente de service entre les services paramédicaux et les hôpitaux de la région n’a pas encore été finalisée, M. Poirier préfère ne pas formuler de commentaires sur la question pour le moment.