Un article écrit par Radio-Canada

Timide participation des dentistes au Régime canadien de soins dentaires

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Le programme qui débutera le mois prochain fait déjà l’objet de critiques de la part des associations provinciales.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Le programme qui débutera le mois prochain fait déjà l’objet de critiques de la part des associations provinciales.

Alors que le tout nouveau Régime canadien de soins dentaires doit être lancé le mois prochain, le taux d’adhésion des dentistes canadiens à ce programme reste encore flou, de quoi inquiéter certains des 1,6 million d’aînés déjà inscrits à ce régime.

Interrogé par CBC, Santé Canada n’a pas fourni de données précises sur le nombre de dentistes qui se sont inscrits à ce programme, indiquant seulement que des milliers s’étaient enregistrés.

D'après les données des associations nationales canadiennes, il y aurait au pays environ 30 500 professionnels de la santé buccodentaire : 26 500 dentistes, 1700 hygiénistes indépendants et 2400 denturologistes.

J’ai entendu dire que les inscriptions se font lentement, a déclaré la Dre Heather Carr, présidente de l'Association dentaire canadienne.

Je ne pense pas que le nombre d’inscriptions soit aussi élevé que nous l’espérions pour que ce régime soit une réussite.

La Dre Heather Carr, présidente de l'Association dentaire canadienne

Assorti d’une enveloppe de 13 milliards de dollars, le Régime canadien de soins dentaires a été annoncé en décembre et permettra aux résidents canadiens à revenu faible ou moyen de bénéficier d'une assurance dentaire s'ils ne disposent pas d'une assurance privée.

À terme, il est prévu qu'un quart des Canadiens puissent bénéficier du Régime canadien de soins dentaires. Pour l'heure, le gouvernement élargit progressivement l'admissibilité à ce régime en commençant par les personnes âgées.

Parmi ces premiers bénéficiaires, certains s’inquiètent déjà du fait que leur propre dentiste ne soit pas inscrit au programme. Cette situation ferait en sorte qu’ils devront trouver un nouveau dentiste, parfois dans une autre localité.

Je vais devoir continuer à payer. Je me contenterai de faire faire le minimum par mon dentiste actuel, indique par exemple Karen Trimingham, 82 ans, de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

Elle consulte le même dentiste depuis 16 ans, même celui-ci ne s'est pas inscrit au nouveau régime canadien. Au lieu de faire remplacer cette dent que j'ai perdue il y a quelques mois, je vais me contenter de laisser un trou.

Des présidents d’association réticents

Les professionnels de la santé buccodentaire ont largement soutenu l'idée d'un régime public national de soins dentaires, un programme qui, selon eux, permettrait de fournir des soins de santé essentiels aux personnes qui n’en ont pas nécessairement les moyens.

Et pourtant, de nombreux présidents d’associations provinciales ont confié à CBC qu’ils ne prévoient pas inscrire leur clinique à ce programme.

Selon eux, le gouvernement n'a pas encore fourni suffisamment de détails au sujet du programme. À cela s’ajoute le fait qu'Ottawa leur demande de signer des contrats pour participer au programme, ce qu'aucun autre régime public ou privé n'exige, une obligation à la fois troublante et lourde pour les dentistes.

Contrairement à d'autres régimes dentaires, ce programme fédéral demande aux dentistes de signer un contrat de sept pages qui comporte un grand nombre de facteurs inconnus et de conditions inutiles.

Le Dr Jenny Doerksen, présidente de l’Association dentaire de l’Alberta

Les membres de mon personnel m'ont clairement dit qu'ils ne veulent pas participer au programme parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas supporter le fardeau supplémentaire qui en découle, explique pour sa part le Dr Rob Wolanski, président de l'Association dentaire de la Colombie-Britannique.

Le président de l’Association dentaire du Manitoba, le Dr Baron Maxter, juge quant à lui que le programme duquel le régime est inspiré, soit les Services de santé non assurés pour les Premières Nations et les Inuit, n’a pas fait ses preuves.

C'est un programme qui fait l'objet de critiques depuis des années de la part des patients et des prestataires. [...] Une des principales raisons est le lourd fardeau administratif, qui entraîne souvent des retards dans la prestation des soins.

Par ailleurs, l’arrimage entre le Régime canadien de soins dentaires et les autres régimes proposés par les provinces et par les territoires demeure flou aux yeux des dentistes, ce qui exacerbe leur réticence envers le programme.

Vite fait, mal fait?

Les associations provinciales dénoncent également l’échéancier – et le langage – utilisés par le gouvernement.

Selon eux, Ottawa n’a commencé à les consulter qu’au mois de novembre, soit un mois avant l’annonce du programme.

Pourquoi avons-nous commencé si tard et pourquoi sommes-nous en train de nous précipiter vers un programme que nous devrions peut-être mettre sur pause?

Le Dr Brock Nicolucci, président de l’Association dentaire de l’Ontario

Les associations critiquent également l’utilisation du terme soins dentaires gratuits, une expression qui ne reflète pas la réalité. En fait, la plupart des patients devront s’attendre à recevoir une facture après leur visite chez le dentiste.

Le programme ne couvrira que certains types de soins dentaires et paiera les prestataires de soins dentaires à un taux inférieur à celui recommandé par les lignes directrices provinciales et territoriales émises par les associations dentaires. Les dentistes disent qu'ils ne savent toujours pas exactement combien le gouvernement fédéral les paiera pour les soins qu'ils prodiguent. Ces montants changeront d’ailleurs chaque année.

À cela s’ajoute le fait que les Canadiens non assurés dont le revenu familial annuel se situe entre 70 000 $ et 90 000 $ devront payer une quote-part.

Le ministre de la Santé répond

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a laissé entendre qu'Ottawa pourrait adoucir l'accord afin d'inciter davantage de prestataires de soins dentaires à s'inscrire.

Le ministre a comparé le Régime canadien de soins dentaires à l'introduction du système de soins de santé universel au Canada, qui, selon lui, s'est également accompagnée de difficultés.

Il y a beaucoup de craintes, c'est un nouveau programme, je le comprends.

Mark Holland, ministre fédéral de la Santé

Cependant, au fil des conversations, les choses évoluent de manière très positive, et je pense que nous aurons un taux d'adhésion exceptionnellement élevé.

D’après un texte de Marina von Stackelberg (CBC News)