Un article écrit par Radio-Canada

Dans la tête d’une larve de mouche à fruits

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La drosophile est également connue sous le nom de mouche à fruits.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La drosophile est également connue sous le nom de mouche à fruits.

La carte du cerveau d’un insecte la plus détaillée à ce jour, celle d'une larve de mouche à fruits (drosophile), a été réalisée par des neuroscientifiques américains et britanniques.

Cette carte, appelée connectome, est un plan complet des connexions neuronales du cerveau de l’insecte de 3 mm de longueur et d’un poids de 0,54 mg à l’âge adulte.

Selon les chercheurs, ce travail historique dans le domaine des neurosciences rapproche les scientifiques d'une véritable compréhension du mécanisme de la pensée, puisque le cerveau de la drosophile est comparable à celui de l'humain et peut servir de modèle.

Si nous voulons comprendre qui nous sommes et comment nous pensons, il faut notamment comprendre le mécanisme de la pensée, explique dans un communiqué l'auteur principal de l’étude, Joshua T. Vogelstein, ingénieur biomédical à l'Université Johns-Hopkins. Et la clé de cette compréhension est de savoir comment les neurones se connectent entre eux.

La première tentative de cartographie d'un cerveau – une étude menée sur 14 ans sur le ver rond –, commencée dans les années 1970, a abouti à une carte partielle et à l’obtention d’un prix Nobel, note le communiqué de l’Université Johns-Hopkins.

Depuis, plusieurs connectomes partiels ont été cartographiés, notamment ceux de la mouche, de la souris et même de l'humain. Ces travaux ne représentent toutefois qu'une infime partie de leurs cerveaux.

Des connectomes plus complets n'ont été générés que pour de petites espèces dont le corps ne compte que quelques centaines ou quelques milliers de neurones, telles que les larves d'ascidies ou d'annélides marines.

C’était avant le présent travail de chercheurs de l'Université Johns-Hopkins et de l'Université de Cambridge, dont le détail est publié dans la revue Science (en anglais), qui reconstruit en 3D le cerveau larvaire de la Drosophila melanogaster en se basant sur la microscopie électronique.

Le connectome complet de l’insecte comprend 3016 neurones et 548 000 synapses.

Les chercheurs ont créé les images haute résolution du cerveau et les ont étudiées une par une pour trouver les neurones individuels, en traçant rigoureusement chacun d'entre eux et en reliant leurs connexions synaptiques.

Le cerveau de la larve de drosophile possède un ordre de grandeur plus élevé de neurones, une échelle encore plus grande de synapses et une organisation cérébrale complexe. Ce connectome cérébral d'insecte sera une ressource durable, fournissant une base pour une multitude d'études théoriques et expérimentales, notent les chercheurs de l’étude.

En raison de contraintes technologiques, l'imagerie de cerveaux entiers par microscopie électronique et la reconstruction de circuits à partir de ces ensembles de données constituaient un défi, poursuivent-ils.

L'équipe a choisi la larve de mouche à fruits parce que, pour un insecte, cette espèce partage une grande partie de sa biologie fondamentale avec l'humain, y compris une base génétique comparable qui présente des comportements d'apprentissage et de prise de décision, ce qui en fait un organisme modèle utile dans le domaine des neurosciences. Et pour des raisons pratiques, son cerveau relativement compact peut être imagé et ses circuits, reconstruits dans un délai raisonnable.

De plus, les travaux menés pendant 12 ans sur la larve de drosophile ont montré des caractéristiques de circuit qui rappellent de manière frappante des architectures d'apprentissage automatique.

Cette réussite pourra donc dans les prochaines années inspirer de nouveaux systèmes d'intelligence artificielle. Ce que nous avons appris sur le code des mouches à fruits aura des implications sur le code des humains, a déclaré M. Vogelstein. C'est ce que nous voulons comprendre : comment écrire un programme qui mène à un réseau cérébral humain.