Un article écrit par Radio-Canada

Des aliments frais sont contaminés par leurs étiquettes

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Les chercheurs ont analysé un vaste éventail d'aliments frais emballés en vente au Canada.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Les chercheurs ont analysé un vaste éventail d'aliments frais emballés en vente au Canada.

Des aliments frais vendus au Canada sont contaminés par un produit chimique présent dans les étiquettes des emballages, montre une étude réalisée par un chercheur montréalais.

Le bisphénol S (BPS) est utilisé en remplacement du bisphénol A (BPA), dont l'utilisation est restreinte au Canada puisqu'il est associé au cancer de la prostate et au cancer du sein. Le BPS est toutefois lui aussi un perturbateur endocrinien, c'est-à-dire un produit chimique dont l'effet imite celui des hormones humaines.

Avec tout le mouvement qui a eu lieu pour se débarrasser du bisphénol A dans des applications qui sont proches de nos aliments, le fait de trouver le cousin bisphénol S à si grande fréquence partout, ça nous a vraiment surpris, a admis le professeur Stéphane Bayen, du Département de science alimentaire et d'agrochimie de l'Université McGill.

Les chercheurs ont analysé un vaste éventail d'aliments frais emballés en vente au Canada, des viandes aux produits de boulangerie-pâtisserie, en passant par les fromages et les légumes.

Ils ont trouvé des concentrations relativement élevées de BPS dans des étiquettes et des autocollants sur lesquels les codes-barres ou les prix sont imprimés par transfert de chaleur. La quantité décelée dépassait grandement la valeur limite autorisée par l'Union européenne pour les substances provenant des emballages qui sont en contact avec des denrées alimentaires.

On imagine aisément que des aliments aient été contaminés par une étiquette apposée directement dessus, comme dans le cas de certains fruits et légumes. Cela dit, même la mince pellicule de plastique qui recouvre certains aliments ne suffit pas à empêcher le BPS contenu dans l'étiquette de contaminer la nourriture.

On a démontré que ces pellicules fines ne servent pas du tout de barrière, a dit le professeur Bayen. Ce qu'il y a dans les étiquettes va se retrouver dans les aliments.

En revanche, l'équipe n'a décelé que très peu de BPS dans les pellicules, les tampons absorbants et les barquettes en plastique, voire pas du tout.

Une étude publiée en 2020 par des chercheurs américains avait montré, lors d'expériences sur des souris, que le bisphénol S peut traverser la barrière placentaire et potentiellement interférer avec le développement du cerveau du bébé.

Les chercheurs avaient notamment décelé une réduction de près de 80 % de la concentration de sérotonine dans le placenta et une augmentation par un facteur de trois à cinq du taux de dopamine. La sérotonine et la dopamine sont deux neurotransmetteurs impliqués dans le développement du cerveau.

Le Canada ne réglemente pas l'utilisation du BPS. Toutefois, le projet de loi S-5, qui moderniserait considérablement la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, propose des changements longuement attendus par différents groupes écologistes. Cette loi dicte comment le gouvernement fédéral réglemente les produits chimiques toxiques ainsi que d'autres matières polluantes, dans le but de protéger l'environnement et les personnes de leurs effets nocifs.

Le point qu'on veut vraiment pousser, c'est de ne pas refaire la même erreur, a dit le professeur Bayen. On a remplacé le BPA par le BPS, et là, on a une situation où il va falloir trouver un substitut et on veut vraiment que ça ne soit pas remplacé par quelque chose qui, dans quelques années, va être de nouveau sur nos radars.

La seule façon de se protéger du BPA ou du BPS serait de favoriser d'autres types de matériaux pour les contenants alimentaires, comme le verre, qui est complètement inerte, ou le métal.

Dans la même veine, lors de l'achat de viande ou de poisson, le consommateur n'aurait rien à perdre à fournir son propre contenant ou son propre emballage (comme du papier d'aluminium) en demandant que l'étiquette soit apposée dessus.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par la revue Environmental Science & Technology (en anglais).