Un article écrit par Jean-Philippe Guilbault

Amqui se redonne tranquillement le droit de sourire

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La population s'est rassemblée à l'église Saint-Benoît-Joseph-Labre, en vue d'un hommage aux victimes et aux blessés de la tragédie survenue lundi.Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La population s'est rassemblée à l'église Saint-Benoît-Joseph-Labre, en vue d'un hommage aux victimes et aux blessés de la tragédie survenue lundi.

C’est dans une église pleine à craquer que les Amquiens ont vécu leur deuil après le drame qui a ébranlé toute la communauté.

Si elle s’était écoutée, Marie-Josée Michaud ne serait pas allée à cette messe. Celle qui était sur les lieux lorsqu’un camion-bélier a fauché plusieurs piétons en plein centre-ville d’Amqui affirme « ne s’être toujours pas réveillée de son cauchemar ».

Sur le parvis de l’église, elle s’allume une cigarette. Jusqu’à maintenant, elle a refusé de parler aux journalistes venus sur les lieux du drame.

C’est mon chum qui m’a un peu forcée à venir [...] Avant ça, j’avais besoin d’être seule, explique Marie-Josée Michaud.

Son chum est à ses côtés, soucieux.

Il ne faut pas rester tout seuls dans la maison pour ronger notre frein. C’est sûr que c’est récent, mais c’est bon pour elle de rencontrer du monde, avance-t-il.

Et rencontrer du monde, ils l’ont fait. Vendredi soir, l’église Saint-Benoît-Joseph-Labre d’Amqui était pleine comme jamais. Des gens ont même dû s’installer au jubé puisque tous les bancs étaient occupés. Poignées de main franches, étreintes, pleurs, l’ambiance était chargée.

Aux portes de l’église, Liette, de Lac-au-Saumon, un village à une dizaine de kilomètres d’Amqui, accueille déjà les gens depuis plusieurs heures.

Il y a beaucoup de souffrance ici, me glisse-t-elle. Il y a des gens chez qui ça a fait remonter toutes sortes de traumatismes.

La dame écoute, offre du réconfort, prend dans ses bras et absorbe, d’une certaine façon, la tristesse et la colère des autres.

C’est de la compassion dont on a besoin ici, affirme Liette en posant ses mains sur son cœur.

Cet appel à prendre soin des autres a été un fil conducteur de la messe à la mémoire des victimes du drame. Et il faut accepter qu’il sera peut-être impossible de trouver du sens dans un geste qui en semble dénué. En effet, ils sont nombreux, à Amqui, à avoir connu de près ou de loin Gérald Charest et Jean Lafrenière.

Je disais souvent : il y a 6000 personnes à Amqui, alors Gérald connaissait au moins 6000 personnes!, lance une amie proche de la victime, qui était comme un frère pour elle.

À la sortie de la messe, sous une brise glaciale, plusieurs se sont arrêtés pour offrir leurs condoléances à Marcelin Charest, le frère de Gérald.

Il était ma moitié parce qu’on faisait tout ensemble. On s’appelait six ou sept fois par semaine [...] Là, je ne peux plus l’appeler, laisse-t-il tomber.

M. Charest confie avoir éclaté lors de la cérémonie. Malgré tout, il croit être capable de surmonter l'épreuve, mais ce sera un travail de longue haleine.

Amqui aussi surmontera cette tragédie. Ce qui m’a encouragée à la messe, ç'a été de voir que les gens se redonnaient le droit de sourire, observe une autre dame croisée en pleine discussion avec un employé de la Municipalité.

Finalement, était-ce une bonne idée pour Marie-Josée Michaud de se joindre à ses concitoyens et de prier? J’ai dit à mon chum que non, mais lui, il dit que oui! lance-t-elle. Je vais voir demain, peut-être que ça m’aura fait du bien…

Seul le temps aidera à panser les blessures de cette communauté tissée serré.