Un article écrit par Shanelle Guérin

« Ça prend une école dans un village » : une solution pour sauver des écoles primaires

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« On dit toujours que ça prend un village pour élever les enfants, mais ça prend une école dans un village pour vraiment bien élever les enfants », plaide Karine Roussel. Alors que l’école primaire La Colombe à Esprit-Saint est menacée de fermeture parce qu’elle n’arrive pas à atteindre le seuil minimal de 20 élèves, d’autres écoles de la région ont trouvé des solutions pour assurer leur survie.

Chaque matin, midi et fin d’après-midi de la semaine, deux autobus scolaires se stationnent dans la cour de l’école primaire de l’Oiseau-Chanteur, à Saint-Mathieu-de-Rioux.

Un autobus accueille à son bord les enfants en bas âge qui habitent le petit village de Saint-Mathieu. L’autre recueille les élèves qui habitent le village de Saint-Simon-de-Rimouski, situé à cinq kilomètres, en bas de la côte.

Au moment même, à l’école de la Joie de Saint-Simon, deux autobus scolaires font le parcours inverse.

Les deux établissements se partagent depuis 14 ans les enfants qui habitent les deux villages voisins. Cette année, ils sont une soixantaine.

L’initiative est née un peu avant 2010, alors qu’il était question de fermer l’école primaire à Saint-Mathieu, faute d’inscriptions suffisantes.

Lors d’une consultation publique, la population a donné son aval à la création d’écoles cycles qui allaient permettre de garder les écoles ouvertes et, ultimement, de faire échec à l’exode rural.

On sait que les villages qui n’ont pas d’école, c’est le premier signe qu’ils sont en dévitalisation. Ça meurt. [Il] manque le cœur. Les enfants, c’est l'avenir. Il faut qu’ils aient une école près de chez eux.

Karine Roussel, citoyenne de Saint-Mathieu-de-Rioux

De la prématernelle à la sixième année, les enfants changent donc d’établissement scolaire tous les deux ans. Chaque classe jumelle accueille deux niveaux scolaires.

En marchant vers la maison, Cassandre, qui est en cinquième année à l’école de Saint-Mathieu-de-Rioux, explique le fonctionnement de son établissement ainsi que les avantages. On est avec le prof deux années, décrit-elle. La première année, il nous apprend des trucs. La deuxième année, il sait c’est quoi nos points faibles et il peut nous faire pratiquer.

Moi, je n’aime pas ça parce qu’on se fait des amis qui ne sont pas dans le même niveau et on se sépare, répond tristement son frère Grégoire.

Mais aux yeux de leur mère, Karine Roussel, le partenariat entre les deux écoles n’a que des avantages.

J’ai une enfant en cinqième année et un autre en quatrième. Comme ce sont des classes multiniveaux, une année, ils sont dans la même classe, et l’autre année, ils sont dans deux écoles différentes, témoigne Karine Roussel. Ça fait un petit équilibre.

Rester attrayant pour les familles

Ce scénario assure au Centre de services scolaire du Fleuve et des Lacs le maintien de ses services éducatifs pour la communauté de Saint-Mathieu, qui compte 711 résidents, et pour celle de Saint-Simon, où on en dénombre 445.

D’autres initiatives permettent aux écoles de l’ouest du Bas-Saint-Laurent de tirer leur épingle du jeu tout en augmentant leur degré d’attractivité. Des écoles du Témiscouata se répartissent aussi les élèves, alors que des écoles comme celles de Saint-Éloi ou de Saint-Clément offrent des programmes spécialisés.

Depuis quelques années, la communauté de Saint-Simon-de-Rimouski s'affaire à embellir et à dynamiser le village. En 2018, un grand parc-jardin a vu le jour pour approvisionner la banque alimentaire locale en récoltes.

L'année suivante, les citoyens ont planté des arbres fruitiers dans la cour d'école. L’une des plus anciennes églises de l’Est-du-Québec, celle de Saint-Simon, est aussi en voie d’être désacralisée et transformée en centre culturel.

Pour cette petite municipalité, offrir une école primaire à ses citoyens est primordial.

Dans la cour du bureau municipal, qui fait face à l'école de la Joie, le maire, Denis Marcoux, raconte que les écoles de village sont une façon d’occuper le territoire malgré la baisse démographique ou la dévitalisation.

Quand une famille magasine un endroit où s’établir, la première chose qu’elle va regarder, c’est s’il y a une école, ce qu’il y a pour les enfants, exprime-t-il.

Perdre une école, pour une municipalité, c’est un désastre.