Un article écrit par David Beauchamp

Hypertrucage et faux nus chez les jeunes : le danger de banaliser la pornographie juvénile

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La Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB) insiste sur les conséquences à long terme lorsqu'une personne mineure est mise en présence de photos truquées. (Photo d'archives)Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
La Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB) insiste sur les conséquences à long terme lorsqu'une personne mineure est mise en présence de photos truquées. (Photo d'archives)

L'hypertrucage et les faux nus sont des phénomènes qui prennent de l'ampleur chez les jeunes en raison d'applications faciles d'accès et d'un manque de sensibilisation. C'est la mise en garde qu'a faite la Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB), après avoir arrêté cinq adolescents d'une même école secondaire dans une affaire d'hypertrucage.

Ces derniers auraient produit, au moyen de l'intelligence artificielle (IA), des images hypertruquées montrant des dizaines d'adolescents complètement nus. Cela n'est pas sans rappeler les images pornographiques de la chanteuse américaine Taylor Swift générées par l'IA qui ont envahi le web dernièrement.

Pour Éric Huard, préventionniste-enquêteur à la RIPTB, cette situation illustre bien l'ampleur du phénomène de l'hypertrucage (deepfake en anglais) et de la production de faux nus chez les jeunes. Elle montre également, selon lui, la banalisation de cet acte constituant de la production de pornographie juvénile, une infraction criminelle grave.

Et vous, comment l’intelligence artificielle vous touche-t-elle?

ICI Première prépare une émission spéciale pilotée par Chloé Sondervorst sur le thème de l’intelligence artificielle. Participez à la discussion ici.

Nous sommes rendus à une étape où, à l’aide de six ou huit photos réelles de vous et une application dont le prix est de 15 à 20 $, il est possible de créer des photos qui s’apparentent à de l’hypertrucage, affirme-t-il.

Certaines applications offrent la possibilité de créer du matériel à connotation sexuelle, et il faut rappeler aux gens qu’utiliser un mineur pour créer ce contenu est de la pornographie juvénile.

L'importance de la sensibilisation

L'enquêteur insiste sur les conséquences à long terme pour les victimes lorsque celles-ci sont mises en présence de photos d'elles-mêmes hypertruquées avec des logiciels. Il reconnaît qu'il est difficile de limiter la propagation de contenu en ligne, mais dit qu'il faut être vigilant si on est exposé à du contenu du genre.

C'est également ce que déclare Joanny H. St-Pierre, procureure et coordonnatrice provinciale en matière d’exploitation sexuelle des enfants sur Internet, qui souhaite que des efforts de sensibilisation soient mis en place pour éviter la production, consciente ou inconsciente, de pornographie juvénile.

Il y a toujours un enfant qui est victime et qui est abusé sexuellement derrière ces images-là, réelles ou pas. À la face du monde, l'enfant va vivre avec l'impression que les gens l'ont vu nu, pour vrai. Cela peut avoir des conséquences pour le reste de ses jours et causer des difficultés à l'école, a-t-elle soutenu à l'émission Le 15-18, sur les ondes d'ICI Première.

De son côté, M. Huard interpelle les parents afin qu'ils abordent le sujet avec leurs enfants pour qu'ils soient conscients des conséquences que peut entraîner la création de faux nus.

On est à une étape où on apprend à nos enfants à composter et à faire attention avant de traverser la rue, mais on veut aussi créer une génération de citoyens numériques conscientisés.

Éric Huard, préventionniste-enquêteur à la RIPTB

Si vous réalisez que votre enfant a sur son cellulaire une dizaine d’applications que vous ne connaissez pas, essayez d’en apprendre plus et de pousser la discussion avec lui. L’impact sur les victimes est extrêmement dommageable, et les applications sont rendues tellement performantes que les photos sont à s’y méprendre, conclut l'enquêteur.