Un article écrit par Érika Bisaillon

Un an après la fermeture du chemin Roxham, les demandes d’asile toujours en hausse

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Depuis le 25 mars 2023, une nouvelle entente canado-américaine encadre les entrées irrégulières, comme au chemin Roxham. Cliquez ici pour afficher l'image d'en-tête
Depuis le 25 mars 2023, une nouvelle entente canado-américaine encadre les entrées irrégulières, comme au chemin Roxham.

Le 25 mars 2023, la nouvelle entente canado-américaine sur la fermeture des passages irréguliers comme le chemin Roxham entrait en vigueur. Depuis, le portrait des demandeurs d’asile a beaucoup changé, tout comme leurs moyens d’entrer au pays. Étonnamment, leur nombre a continué de croître.

Depuis un an, c’est le calme plat au point d’entrée du chemin Roxham. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a même démantelé l’avant-poste qu’elle avait installé pour gérer le flot de personnes qui franchissait illégalement la frontière à pied.

Depuis l'élargissement de l'Entente sur les tiers pays sûrs l'année dernière, quiconque traverse la frontière canado-américaine, à n’importe quel endroit, risque d’être renvoyé aux États-Unis à moins d’être mineur et seul, ou d’avoir de la famille qui réside au Canada. Cela a eu pour effet de changer le portrait des demandeurs d’asile.

Je ne vois pas de familles traverser la frontière comme avant. C'est un peu préoccupant de penser que ces gens-là, qui sont souvent les plus vulnérables, n'arrivent plus à demander la protection du Canada, déplore Stéphanie Valois, avocate et coprésidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

La façon d’entrer au pays a également changé. Alors que le nombre de demandeurs d'asile à arriver par avion en février 2023 était de 1490, plus de 5300 demandeurs d’asile ont transité par l’aéroport en février dernier.

En février 2023, seules dix demandes d'asile ont été faites au Canada via un point d'entrée maritime. Elles provenaient en totalité du Nouveau-Brunswick, selon l'IRCC.

En 2023, la majorité des 29 455 entrées au Canada par voie terrestre ont eu lieu au Québec.

La géographie étant ce qu’elle est, il est plus facile de traverser par voie terrestre au Québec, précise Stéphanie Valois. Toutefois, certaines personnes préfèreront se déplacer dans une province où ils pourront vivre et travailler en anglais, une langue qu’ils maîtrisent davantage.

Un suivi plus complexe

En quelque sorte, le chemin Roxham favorisait une certaine organisation : prise d’empreintes digitales, copies des passeports, vérification du dossier criminel, etc., affirme l’avocate Stéphanie Valois.

Louis-Philippe Jannard, coordonnateur du volet Protection de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, abonde dans le même sens.

L’avantage de l’arrangement informel qu’il y avait au chemin Roxham, c’est qu’il y avait un certain contrôle sur les personnes qui arrivaient. Maintenant, puisque ce sont des entrées peu détectées par les autorités, il est difficile d’avoir des chiffres exacts.

Louis-Philippe Jannard, coordonnateur du volet Protection de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes

Services inadaptés

Les personnes qui arrivent par les points d’entrée aériens sont majoritairement des personnes qui entrent au Canada avec un visa de tourisme ou d’étudiant. Celles-ci demandent ensuite l’asile à l’interne, minimalement deux semaines plus tard, tel que prévu par la loi.

Contrairement à ce qui était de mise avant le 24 juin 2023, le demandeur d’asile ne doit pas se déclarer aux autorités canadiennes et présenter sa demande d’asile avant le 15e jour. Il devra ainsi prouver qu’il est resté au Canada minimalement deux semaines avant de déposer sa demande, explique Stéphanie Valois.

Certaines personnes attendent un mois ou deux avant de présenter une demande d’asile pour être sûres qu’elle soit jugée recevable, poursuit-elle.

Ces personnes n’osent pas nécessairement solliciter l’aide des organismes, ou d’autres services comme des banques alimentaires, donc ça les place dans une situation de très grande précarité.

Louis-Philippe Jannard, coordonnateur du volet Protection de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes

De ce fait, les ressources pour sans-abri accueillent beaucoup plus de migrants qu’avant, comme c’est le cas pour la mission Old Brewery à Montréal qui accueille deux fois plus de migrants qu’à son habitude.

Les services d’hébergement à l’arrivée offerts par le gouvernement du Québec via le Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile (PRAIDA) et le gouvernement fédéral, qui héberge quelques milliers de personnes à Montréal et dans les environs, ne sont pas disponibles pour les personnes qui font leur demande d’asile à l’interne, explique Louis-Philippe Jannard.

On n'a pas tous les éléments au niveau psychosocial pour accompagner adéquatement la personne dans ses traumas, note la directrice des services du Campus Saint-Laurent à la Mission Old Brewery, Émilie Fortier, ajoutant que des questions linguistiques posent problème.

On a eu des enjeux de traduction. Il y a des gens qui ne parlent ni français ni anglais, donc c'est un peu plus difficile de communiquer et d’offrir des services adaptés, ajoute-t-elle.

Elle confirme également qu’elle ne voit plus autant de familles que par le passé.

On a eu une très grande augmentation de jeunes hommes de moins de 35 ans, sans famille. On parle du double si on compare sur une année.

Émilie Fortier, directrice des services du Campus Saint-Laurent à la Mission Old Brewery

Un nombre toujours en croissance

La fermeture du chemin Roxham n'a pas freiné l’arrivée de demandeurs d'asile : leur nombre a plutôt explosé l'année dernière.

L’Agence des services frontaliers et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ont traité un nombre record de 143 785  demandes d’asile en 2023, dont plus de 65 500 au Québec.

Avec les informations d'Elyse Allard