Un article écrit par David Savoie

Les bibliothèques de semences germent partout au Québec

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Le Québec compterait une cinquantaine de grainothèques au total.

Les bibliothèques de semences sont populaires comme jamais au Québec. Seulement à Montréal, une demi-douzaine de nouveaux sites de distribution vont voir le jour cette année.

La bibliothécaire Ève-Justine Beaudin fouille dans les tiroirs d’un grand meuble qui trône au centre de la bibliothèque de la Petite-Patrie, à Montréal.

Chaque tiroir est identifié selon le type de semences qu'il contient – fruits, légumes ou fleurs –, qui sont en libre accès. Sur une table à côté du meuble qui fait office de bibliothèque de semences se trouvent des livres sur le jardinage.

Cette bibliothèque de semences de quartier existe depuis 2019. L’année dernière, 3000 enveloppes de semences ont trouvé preneur.

Qu’est-ce qui explique cette popularité? Je pense que ça va vraiment avec la transition écologique, mais ça montre aussi que les gens ont un souci de savoir d’où leurs aliments proviennent, répond Ève-Justine Beaudin.

Ça montre aussi que c’est possible d’apprendre en dehors des sentiers traditionnels. Ici, on offre aussi toute une collection en lien avec l’agriculture urbaine pour que les gens puissent se former par eux-mêmes, ajoute-t-elle.

Joyeuse anarchie

Contrairement au système traditionnel des bibliothèques, les bibliothèques de semences, ou grainothèques, existent dans une joyeuse anarchie. Chaque endroit établit ses propres règles et sélectionne ses semences selon certains critères.

Celle du Santropol Roulant, un organisme de services sociaux, est ouverte à tous, et il n’y a pas de limites à ce que les gens peuvent prendre.

Dans un petit présentoir se trouvent des pots de différentes tailles avec des collants apposés pour identifier les semences.

Le but, c’est vraiment d’aider les gens à s’autonomiser à faire leur propre jardin, explique Simone Chen, coordonnatrice de l’équipe d’agriculture urbaine. Elle note qu’il faut assez peu de choses pour faire pousser des plantes, même dans un appartement.

Il y a un grand intérêt, à Montréal et ailleurs dans le monde, à être capable de faire pousser son propre potager dans une optique d’autonomie alimentaire et de solidarité alimentaire.

Simone Chen, coordonnatrice au Santropol Roulant

Tout cet intérêt pour les bibliothèques de semences réjouit Patrice Fortier. Il y a maintenant plus de 20 ans, cet artiste de formation a lancé La Société des plantes, qui fait germer fruits et légumes un peu partout au Québec.

Je pense qu’en ce moment, l’idée d’autosuffisance alimentaire se refait une place dans nos familles, dans nos vies, par nécessité, avance M. Fortier.

Étudier cette popularité

Salicorne japonaise, épinard-fraise, radis déjeuner, concombre des champs, melon de Montréal : le catalogue de graines de la bibliothèque de Notre-Dame-de-Grâce se lit presque comme de la poésie.

Celle qui tourne les pages du catalogue, c’est Samar Kiamé, bibliothécaire et candidate au doctorat en sciences de l’information à l’Université de Montréal. Elle va se pencher sur la popularité des bibliothèques de semences.

C’est lors d’une expérience comme bénévole à la bibliothèque d’Atwater, tout juste avant la pandémie, que la curiosité de Samar Kiamé a été piquée. Lorsque j’ai vu des semences à la bibliothèque, c’était quelque chose de très bizarre, de très nouveau, qui sortait de la nature des bibliothèques, explique la bibliothécaire.

En effet, les bibliothèques de semences ont connu une croissance impressionnante au Québec. La première grainothèque de la province serait celle de Kanhawake, en activité depuis 2012.

Aujourd’hui, d’après la compilation de Samar Kiamé, le Québec compterait une cinquantaine de bibliothèques de semences. À Montréal, par exemple, la ville en comptait 17 en 2022; il y en aura 28 cette année.

En plus de faire connaître les semences, cette nouvelle mode pourrait contribuer à la survie des bibliothèques, note Samar Kiamé. C’est une des questions sur lesquelles elle va d’ailleurs se pencher dans son doctorat. Est-ce que les grainothèques vont vraiment réussir à trouver des réponses sur le développement durable? se demande-t-elle.