Un article écrit par Paul Fontaine

La fin du visa d’urgence pour les Ukrainiens inquiète à Baie-Comeau

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Depuis un peu plus d'un an, 33 Ukrainiens se sont installés à Baie-Comeau pour refaire leur vie, avec un nouvel emploi et un nouveau logement.

Le projet d'accueil des ressortissants ukrainiens est une réussite, selon le Centre d'intégration et de placement à l'emploi Émersion, à Baie-Comeau. Une ombre au tableau : le programme fédéral de visa d’urgence pour les Ukrainiens a expiré dimanche, ce qui complique la venue de nouveaux ressortissants.

Vladlen Yarmolenko célèbre son 35e anniversaire à Baie-Comeau, à des milliers de kilomètres de sa ville natale, Soumy, en Ukraine. Sa mère et son frère résident toujours là-bas, près de la frontière russe.

Il aimerait les faire venir sur la Côte-Nord près de lui, mais l’expiration de l’Attestation de voyage d’urgence Canada-Ukraine alourdit les démarches. Vladlen Yarmolenko est arrivé à Baie-Comeau le 23 mars, quelques jours avant la fin du programme.

L'Ukrainien doit avant tout se trouver un toit, un emploi et apprendre la langue. Je voulais apprendre le français et les gens m’ont aidé à venir ici pour le faire. J’aimerais travailler, je suis chauffeur de camion, dit-il en ukrainien.

C’est Nina Laiksandrova, elle-même installée à Baie-Comeau depuis le début de l’année, et Vladyslav Markov, conseiller en intégration au Centre Émersion, qui lui ont fait connaître la région.

La décision d’Ottawa de ne pas renouveler les visas d’urgence a aussi précipité la venue de Nina Laiksandrova sur la Côte-Nord. Au début de la guerre, je me suis installée aux États-Unis. Et maintenant, je suis ici à Baie-Comeau. Je me plais ici, surtout que je cherchais un endroit au bord de l’eau, avec un accès à la nature et à la forêt, explique-t-elle en anglais.

Elle suit aujourd’hui des cours de francisation à temps plein et souhaite s’établir dans la région à long terme. En juin ou en juillet, je compte me trouver un emploi. J’ai aussi visité la région, dont Havre-Saint-Pierre. Mais pour pouvoir m’installer plus au nord ou à l’est, je dois d’abord maîtriser le français.

Les exemples d’intégration comme ceux-ci sont nombreux à Baie-Comeau, souligne Vladyslav Markov. On essaye de trouver des gens qui sont bien à Baie-Comeau, des gens dont les intérêts les mènent ici.

L'accès au logement est bien sûr un obstacle à l’immigration sur la Côte-Nord, mais c'est le cas aussi dans les grandes villes, fait valoir Vladyslav Markov.

C'est pourquoi il mise sur la facilité à se trouver un emploi, ce qui ne manque pas par ici. Trouver un travail qualifié, c’est très important pour que les gens reçoivent leur résidence permanente après, ajoute-t-il.

La plupart des ressortissants ukrainiens sont venus à Baie-Comeau en vertu de l'Attestation de voyage d'urgence Canada-Ukraine (AVUCU). À la fin de février, 960 000 visas d'urgence avaient été délivrés par Ottawa, mais seulement 250 000 Ukrainiens sont venus au pays.

À partir de lundi, les titulaires du visa qui ne sont pas encore entrés au Canada ne peuvent plus se prévaloir de ses avantages. Il n'est donc plus possible de séjourner au pays pendant trois ans, au lieu des six mois habituels, ou de demander un permis de travail ouvert.

L’avocate en droit de l’immigration Me Nataliya Dzera déplore la décision du gouvernement fédéral. Le programme permettait de travailler n'importe où au Canada. Les gens qui sont venus en vertu de l’AVUCU ont pu trouver un emploi et travailler pour soutenir leur famille, sans dépendre du bien-être social des provinces.

Certaines personnes vont pouvoir renouveler leur autorisation de travail si leur employeur peut et veut le faire. D'autres personnes ne seront pas capables de renouveler leur permis : soit elles vont retourner en Ukraine, soit elles vont devoir demander la résidence permanente, soit elles vont changer de pays, explique l’avocate.

Malgré tout, dans la Manicouagan, la petite communauté ukrainienne se serre les coudes. Des résidents ouvrent leur porte pour les accueillir. C’est le cas de Jean-Émile Valois, membre du comité d’aide et d’accueil des personnes d’Ukraine et d’autres pays de Baie-Comeau, qui héberge Vladlen Yarmolenko.

En accueillant cette personne, je m'ouvre à tout un monde, à toute une culture, lance-t-il. Nous sommes conscients qu'avec une trentaine de personnes qui vont intégrer le marché du travail, nous contribuons à répondre aux besoins de main-d’œuvre et à contrer le fameux problème démographique d'exode de la population.

Avec des informations de Benoît Jobin

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