Un article écrit par Jean-François Chabot

Maude Charron, plus légère, mais plus forte

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Maude Charron

Maude Charron s’apprête à participer aux Championnats panaméricains d’haltérophilie, du 23 mars au 2 avril, en Argentine. Presque déjà qualifiée pour les Jeux olympiques de Paris, elle tient tout de même à dissiper certains doutes.

La championne aux Jeux de Tokyo en 2020 ne pourra pas défendre son titre des moins de 64 kg dans la capitale française puisque cette catégorie de poids a été rayée du programme olympique. Une décision qui a obligé les athlètes visées à augmenter ou à baisser leur masse corporelle.

La jeune femme de Sainte-Luce a d’abord choisi d’y aller dans la catégorie inférieure des moins de 59 kg pour ses deuxièmes JO.

Elle a pu tester sa nouvelle volonté lors des Championnats du monde en décembre dernier à Bogota, en Colombie, d'où elle a rapporté une médaille de bronze et, surtout, une place de choix au classement provisoire des qualifications pour les Jeux de 2024.

Ça m’a rassurée. C’est venu confirmer les décisions que j’ai prises, non seulement de continuer l’haltérophilie, mais d’y aller à fond pour les prochains Jeux olympiques, de changer de catégorie de poids et de changer d’entraîneur, a reconnu Charron en entrevue à Radio-Canada Sports.

Nouveau mentor

En plus de changer de catégorie de poids, Charron s’est également associée à un nouvel entraîneur. L’Américain Spencer Arnold possède son propre club d'haltérophilie dans la région d’Atlanta, où il dirige déjà des athlètes aguerris comme Kate Nye, médaillée d’argent chez les moins de 76 kg à Tokyo.

On ne se rejoignait pas mon ancien entraîneur (Jean-Patrick Millette) et moi sur certains points. Alors, j’ai décidé, tant qu’à faire un nouveau cycle, une nouvelle catégorie, d'essayer un nouvel entraîneur aussi.

Elle n’a que de bons mots sur Arnold et sur sa façon de lui transmettre ce qu’il attend d’elle. Les deux ont fait connaissance sur les plateaux de compétition où ils échangeaient sur la technique de leur sport et sur leur passion commune pour le café.

J’aime ça. J’aime savoir où on s’en va. J’aime comprendre pourquoi on fait ça, pourquoi on fait cette charge-là trois fois au lieu de deux. Il me donne beaucoup d’information. Le fait qu’il y ait une belle équipe avec lui, quand je vais m’entraîner là-bas, c’est motivant pour moi.

Maude Charron, haltérophile, championne olympique des moins de 64 kg

Le seul hic, c’est que la Fédération canadienne ne me laisse pas être coachée par lui en compétition. Je dois faire avec les entraîneurs qui sont nommés par l’équipe canadienne. Ce n’est pas toujours évident, mais on essaie de trouver un commun accord, ajoute-t-elle.

Charron s’est déjà rendue en Georgie à trois reprises pour profiter des enseignements de son nouvel entraîneur en présentiel.

Autrement, c’est par visioconférence que les communications se passent. Ce n’est donc qu’en images que l’Américain a vu les installations dans le garage de Maude.

Oui, elle s’entraîne toujours en solitaire dans un garage, mais c’est à présent son garage dans la maison qu’elle a achetée peu de temps après avoir terminé sa formation à l’École nationale de police de Nicolet. Le garage d’origine a été vendu en même temps que la maison paternelle quelques semaines avant sa conquête de l’or olympique.

Environnement et diète

Il n’y a pas que l’entraîneur et la catégorie de poids qui ont changé pour Maude Charron. Elle a dû aussi adopter un tout nouveau régime alimentaire, car elle n’avait jamais eu à se préoccuper de la perte de poids à l’approche d’une compétition.

C’est moins compliqué, moins difficile que je pensais. Mais ça vient avec beaucoup plus de préparation. Chez les 64 kg, je faisais attention à ce que je mangeais, mais j’avais le luxe de porter 64 kg. Je n’avais pas à faire de coupure de poids. Maintenant, je joue la même "game" que tout le monde. Je m’entraîne plus lourd et on doit perdre du poids avant les compétitions.

Maude Charron, haltérophile, championne olympique des moins de 64 kg

Cela exige un plus haut degré de préparation qu’avant. Je m’entraîne autour de 62 kg et je dois perdre 3 kg avant la compétition.

À un mois du rendez-vous de Bariloche, Charron avait déjà amorcé le processus, question de ne pas avoir à tout perdre sur une trop courte période.

J’amène beaucoup de nourriture dans ma valise. Il faut que je fasse attention au sel. Je bois beaucoup d’eau avant la déshydratation. C’est tout un branle-bas de combat, mais j’ai une bonne nutritionniste.

Déjà, à deux reprises, elle a perdu du poids pour des compétitions à 59 kg. Elle dit qu’elle commence à comprendre les besoins de son corps et les aliments qu’elle peut manger sans qu'il réagisse trop. Elle fait attention à sa consommation de sel, de sucre et de gras. Elle avoue qu’il y a des moments plus difficiles que d’autres.

Quand j’arrive à la compétition, c’est là où je mange moins gras, moins salé, moins sucré. Et c’est là qu’on dirait que tout ce qui est pizza, poutine, etc. Tout me tente, mais j’attends après ma compétition. Là, c’est la débauche. Je mange tout ce que je ne pouvais pas manger et je me sens mal pendant quatre jours (rires)! Mais j’aurai ma recette magique toute prête pour Paris, dit-elle avec un large sourire.

Du garage vers le sommet du monde

Maude Charron s’entraîne sept jours par semaine en vue des Championnats panaméricains. Mais à l’approche des mondiaux en décembre dernier, elle était en mode rééducation à la suite d’une blessure au genou droit. C’est donc quasiment sur une seule jambe qu’elle est montée sur la troisième marche du podium, en Colombie.

Ça va vraiment mieux depuis un mois. J’avais eu une grosse malchance. J’étais montée sur mon îlot de cuisine et je me suis cogné le genou. Le lendemain, j’ai fait des "squats" [flexion de jambes, NDLR] par-dessus cette inflammation. Ç’a dégénéré en déchirure partielle du tendon du quadriceps.

Maude Charron, haltérophile, championne olympique des moins de 64 kg

Après les Championnats du monde où ç’a avait super bien été, on a reculé. J’ai eu des injections d’acide hyaluronique* durant la période des Fêtes pour aider la guérison.

*L’acide hyaluronique participe à la lubrification et à la protection des zones de frottement, en augmentant la viscosité du liquide synovial et en maintenant l'élasticité du cartilage. (source Wikipédia)

Il y a beaucoup moins de stress avec le nouveau système de qualification olympique. Il n’est plus question d’accumuler des points à toutes les compétitions. Il y a un nombre minimum de compétitions à faire, mais on ne retiendra que votre meilleure performance pour créer un top 10 dans chacune des catégories de poids.

Maude Charron ne s’en cache pas. Le fait de se savoir déjà avec un pied à Paris constitue un avantage indéniable par rapport au cycle olympique précédent.

Avec la pandémie, on a vu à quel point les gens vivaient très mal avec les incertitudes. C’est rassurant de savoir un an et demi à l’avance que j’ai pas mal ma place, dit-elle avec soulagement. Je peux me préparer comme il le faut pour ces Jeux-là. Je peux avoir hâte d’y être. Je peux y croire et me dire : "Oui, j’y vais."

Tenus à l’écart des JO de Tokyo par la COVID-19, ses parents et certains de ses amis proches se sont déjà procuré des billets d’avion et des places de choix pour la voir en action sur la plus importante plateforme sportive du monde.

En attendant, Maude Charron a hâte de pouvoir en découdre de nouveau avec la Colombienne Yenny Álvarez Caicedo, médaillée d’or aux mondiaux de Bogota avec un total combiné de 234 kg, soit 3 kg de plus que Charron.

Ce sera un bon test pour ce genou princesse, a conclu la future policière.