Faire du neuf avec du vieux, la recette s'applique aussi aux jeux vidéo : avec les rematriçages et les nouvelles versions (remakes), les éditeurs réadaptent des titres cultes sortis dans les années 90 et 2000 avec les technologies actuelles, pour conquérir à la fois les fans nostalgiques et les nouvelles générations de joueurs et joueuses.

Dead Space, Resident Evil 4, versions rematricées de Metroid Prime et Tales of Symphonia, Return to Dream Land Deluxe... Rien qu'en 2023, ce ne sont pas moins d’une demi-douzaine de jeux emblématiques qui s'offrent une seconde jeunesse, sans compter les jeux à venir tels Final Fantasy VII Rebirth et Alone in the Dark Remake.

La raison d'être d'une nouvelle version d’un jeu est de prendre une expérience mémorable ou nostalgique du titre original et d'utiliser les technologies les plus récentes pour la faire revivre, explique à l'AFP Yoshiaki Hirabayashi, producteur du jeu Resident Evil 4 Remake, qui sort vendredi sur PC et les nouvelles consoles Xbox Series et PlayStation 5.

Cette version remaniée et modernisée du 4e opus de la mythique série de jeux vidéo d'horreur compte tirer pleinement parti des améliorations graphiques permises par les machines actuelles, dix-huit ans après sa première sortie en 2005 sur GameCube, l'ancienne console de Nintendo.

Avec une nouvelle mouture, on ne part pas d'une page blanche, on a un univers qui est construit, un jeu qui existe déjà et que les gens ont pu essayer et apprécier aussi. Le début du développement est donc beaucoup plus rapide et on peut se concentrer sur ce qu'on souhaite améliorer ou enrichir, complète Eric Baptizat, réalisateur de Dead Space, un jeu de survie lancé pour la première fois en 2008.

Pourquoi une telle stratégie de la part des éditeurs tels Electronic Arts, Nintendo et Capcom, dont les catalogues sont pourtant bien garnis en nouveautés et productions à gros budgets (dits AAA)?

À la manière de ce qu'a fait Marvel avec Spider-Man [au cinéma, cela permet] de pérenniser des franchises et de les faire vivre dans le temps plutôt que de faire des suites à l'infini, explique à l'AFP Cédric Lagarrigue, expert du marché et conseiller pour la banque d'affaires Alantra.

Cela va être une tendance importante du jeu vidéo, on va avoir de plus en plus de remakes, estime-t-il.

Ça a du sens parce que le jeu vidéo, plus que le cinéma, subit vraiment des avancées technologiques à chaque changement de console.

Un moins grand risque commercial

D'un point de vue purement industriel, avec ce type de jeux, il y a des coûts de production qui sont réduits parce que l'essentiel du marketing et de la conception a déjà été absorbé [par la version originelle], renchérit Julien Pillot, économiste spécialiste des industries culturelles.

Comme le cinéma avant lui, le jeu vidéo est arrivé à un stade où il doit davantage diluer le risque d'un échec commercial.

Avec ces jeux de complément, on permet aux joueurs et joueuses de patienter entre deux jeux AAA, dans une industrie où les entreprises sont de plus en plus financées, et donc de plus en plus assujetties à des impératifs de performance, ajoute-t-il.

Jouer sur la corde de la nostalgie permet aussi aux éditeurs de s'appuyer sur une base de fans et une notoriété déjà établies, tout en suscitant un effet de rattrapage chez d'autres joueuses et joueurs passés à côté de ces titres cultes à l'époque.

Ces nouvelles versions s'adressent à de jeunes adultes, souvent trentenaires, qui ont envie de replonger dans les jeux de leur jeunesse. Ces personnes sont pour plusieurs aujourd'hui dans une situation qui leur permet d'avoir un budget à dépenser dans des jeux qui les replongent finalement un petit peu en enfance, souligne Julien Pillot.

Bien qu'une grande partie de la refonte d'un jeu soit destinée aux personnes qui connaissent le jeu original, nous espérons également qu'une nouvelle génération de joueurs et joueuses qui n'ont jamais joué au titre original pourra profiter de cette occasion pour ressentir l'essence de Resident Evil 4 [grâce à la nouvelle version], complète Yoshiaki Hirabayashi.